Le défi de TotalEnergies pour la forêt

Quelque 40 000 hectares de forêt seront plantés par TotalEnergies au Congo, sur les plateaux Batéké. © Forêt Ressources Management

Pour compenser ses émissions résiduelles, Total veut produire des crédits carbone naturel robustes. Il ne suffit pas pour cela de planter des arbres. Notre enquête, alors que le groupe français soumet sa stratégie climat à ses actionnaires à l'occasion de son Assemblée Générale ce 28 mai.

Les pétroliers le savent bien. Pour atteindre la neutralité carbone, outre la diversification de leur mix de produits et l’amélioration de leurs process, il va leur falloir produire des émissions négatives pour compenser les émissions résiduelles. La plupart misent sur la capture de CO2 avec stockage (CCS). Plus rares sont ceux qui investissent dans la séquestration de carbone dans la terre et les végétaux.

Seuls Shell, BP et Total ont communiqué des ambitions fortes dans la plantation d’arbres. BP a pris une part majoritaire dans la société californienne Finite Carbon, qui met en relation des propriétaires forestiers et des entreprises cherchant à compenser leurs émissions.

Shell et TotalEnergies (ex-Total) ont annoncé investir 100 millions de dollars par an dans la plantation, la restauration et la conservation de forêts, avec des logiques différentes.

Si Shell veut compenser ses émissions par le reboisement à hauteur de 120 millions de tonnes par an d’ici à 2030, il entend aussi valoriser cet investissement en compensant celles de ses clients. Dans ses stations-service aux Pays-Bas, puis au Royaume-Uni, les automobilistes pourront acheter des crédits carbone pour un centime de plus par litre d’essence ou de diesel classique.

TotalEnergies a une approche différente. « L’objectif n’est pas de faire du business, mais de neutraliser nos propres émissions », affirmait en janvier Patrick Pouyanné, le PDG du groupe, à L’Usine Nouvelle. Selon lui, sur les 50 millions de tonnes de CO2 émis par l’entreprise, seule « la moitié pourrait être compensée par des technologies ».

Pour l’autre moitié, l’industriel mise sur la production de 5 à 10 millions de tonnes de crédits carbone naturel par an à partir de 2030. Pas question de les acheter : le français veut s’assurer de la robustesse des crédits produits. Ce qui suppose de faire les choses bien. « Il n’est pas simple de créer des crédits carbone durables, reconnus et certifiés, explique le PDG. Il ne s’agit pas uniquement de planter des arbres. Ce sont aussi des projets sociaux et économiques. Il faut que la population locale puisse vivre de la forêt. »

"Il n’est pas simple de créer des crédits carbone durables, reconnus et certifiés. Il ne s’agit pas uniquement de planter des arbres. Ce sont aussi des projets sociaux et économiques. Il faut que la population locale puisse vivre de la forêt." Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies

Des projets très encadrés

Les projets doivent respecter trois conditions : la permanence, qui vise à ne compter les crédits carbone que sur la durée efficace de captation des végétaux ; l’additionnalité, pour ne prendre en compte que la séquestration due à l’intervention humaine ; et la fuite, qui, par une approche globale du territoire, évite que la conservation de forêts entraîne des dégâts plus loin. « Nous voulons être associés aux opérations, pour qu’elles soient plus robustes », affirme l’un des dix membres de l’équipe Natural based solutions de TotalEnergies, dirigée par Adrien Henry, un ancien du fonds Moringa et de Suez Environnement.

C’est le cas du projet de plantation d’une forêt de 40 000 hectares sur les plateaux Batéké, au Congo, avec le groupe Forêt Ressources Management, annoncé par Total en mars. Pour se constituer un stock de départ et soutenir les développeurs à court terme, le groupe investit quand même dans des projets existants. « L’achat de crédits restera très minoritaire », assure l’équipe forêt. D’autant plus que la demande grandissante va rendre ces crédits très chers.

Aurélie Barbaux / www.usinenouvelle.com