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Le biochar, ce nouvel or noir pour le climat qui fait rêver les industriels de la décarbonation

03/06/2022

Le biochar, ce nouvel or noir pour le climat qui fait rêver les industriels de la décarbonation

(Crédits : dr)

Méconnu du grand public, le biochar cumule de nombreux avantages pour le climat et l'environnement. Fabriqué à partir de résidus forestiers et agricoles, il constitue un puissant puits de carbone, car il permet d'extraire et de piéger le carbone contenu dans les végétaux pendant plusieurs centaines d'années. Son procédé de fabrication, par pyrolyse, permet aussi de produire des énergies renouvelables de manière locale et décentralisée. Et, dans certains contextes, il améliorerait grandement la fertilité des sols. Mais, jusqu'à présent, son coût de production était exorbitant. Aujourd'hui, le développement du marché des crédits carbone change la donne et laisse entrevoir une croissance exponentielle.

Avez-vous déjà entendu parler du biochar ? Pour les spécialistes du climat, ce mot ne sonne pas comme une énigme... Dans le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), le vocable y est mentionné près de 200 fois. Le biochar, ou charbon végétal, est alors présenté comme une "negative emission technology", c'est-à-dire une solution de séquestration de carbone de long terme. Il est aussi présenté comme une substance permettant d'améliorer les propriétés physiques des sols. Encore à ses balbutiements, l'économie du biochar attire aujourd'hui jeunes pousses et grands groupes. En France, plusieurs acteurs comme Suez, Carbonloop ou encore NetZero se sont lancés sur ce marché qui s'apprête à exploser. Mais de quoi s'agit-il exactement ?

Le biochar prend la forme d'une poudre noire composée de petits granules et semblable à la poussière que l'on retrouve au fond des sacs de charbon de bois. Il est obtenu à partir de résidus de bois (résidus naturels ou industriels provenant de l'entretien des forêts, de l'agriculture ou de l'industrie du bois, comme les écorces, les bois de collecte ou les pailles) ou les résidus de cultures sèches (comme les coques de grains de café par exemple). Ces résidus, non valorisés, sont chauffés à environ 500 degrés, en absence d'oxygène afin d'éviter leur combustion qui les réduirait en cendres.

Un puissant puits de carbone

Ce procédé industriel, appelé pyrolyse, permet d'extraire le carbone des végétaux. En effet, au cours de leur croissance, les végétaux captent le carbone présent dans l'atmosphère lors du processus de photosynthèse. "Les végétaux constituent ainsi naturellement une pompe à carbone", explique Axel Reinaud, directeur général de la start-up NetZero, qu'il a cofondé, entre autres, avec le climatologue Jean Jouzel. Mais, avec le temps, lorsque les végétaux se décomposent, tout le carbone capté au cours de leur vie est à nouveau rejeté dans l'atmosphère.

Le biochar est considéré comme un puissant puits de carbone car il permet justement de piéger le carbone des végétaux et donc d'éviter que celui-ci retourne dans l'atmosphère et ce, pendant des centaines d'années. En effet, quand ce biochar est répandu dans le sol, celui-ci reste stable, il ne se dégrade pas. Ainsi, 80 % du carbone séquestré dans le biochar y reste définitivement.

Selon la qualité et sa teneur en carbone, "une tonne de biochar permet de piéger entre 2,5 et 3 tonnes équivalent CO2", précise Claire Chastrusse, directrice générale de la start-up CarbonLoop.

Par ailleurs, le biochar ne serait pas nocif pour les sols, bien au contraire. Selon de nombreuses publications scientifiques, il permet d'en améliorer la fertilité. Sa structure extrêmement poreuse, en fait une éponge naturelle pour retenir l'eau dans les sols soumis à un stress hydrique. Le biochar permet également de fixer les nutriments et de les mettre à disposition des plantes. De quoi limiter le recours aux engrais. Cet élément permet aussi d'améliorer le PH des sols et de favoriser le développement de la vie microbienne, nécessaire à l'absorption des nutriments par les plantes.

"Or, plus vous régénérerez les sols, plus ces derniers vont capter du carbone. C'est un cercle vertueux", fait valoir Claire Chastrusse.

Agriculture plus durable et énergies renouvelables

Les bénéfices du biochar ne s'arrêtent pas là. Lors de la pyrolyse de la biomasse : deux flux sont générés. Un flux solide : le biochar. Et un flux gazeux, constitué de méthane et d'hydrogène. La moitié de ce flux gazeux est utilisé pour alimenter le four à pyrolyse. L'autre moitié est utilisée pour faire tourner un alternateur afin de produire de l'électricité ou de la chaleur. Chez CarbonLoop, 3.000 tonnes de biomasse permettent de produire 4 gigawattheures d'électricité et 500 tonnes de biochar par an. Le système de production peut donc s'auto-alimenter et les gaz générés par la pyrolyse ne sont pas rejetés dans l'atmosphère.

"La pyrolyse est un procédé qui existe depuis une trentaine d'années", rappelle David Houben, enseignant-chercheur en sciences du sol à l'institut UniLaSalle de Beauvais. En réalité, cette technique vise à reproduire un phénomène observé sur les terres noires d'Amazonie (Terra Preta en portugais) redécouvertes dans les années 1970. "Ces sols sont incroyablement plus fertiles que les sols adjacents et les scientifiques ont compris que cette fertilité était liée à la présence de charbon enfoui dans le sol il y a plusieurs centaines d'années par les civilisations précolombiennes", détaille-t-il.

Par ailleurs, la recherche sur les applications industrielles du biochar connaît, depuis quelques années, une croissance exponentielle.

www.latribune.fr

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