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RE 2020 : les données environnementales des matériaux deviennent incontournables

17/02/2025

RE 2020 : les données environnementales des matériaux deviennent incontournables

La RE 2020 inclut une analyse de cycle de vie pour réduire l'impact carbone des constructions neuves. Les maîtres d'ouvrage devront davantage recourir aux données environnementales des matériaux pour respecter les seuils 2025 et suivants.

Après deux ans de mise en œuvre de la réglementation environnementale RE 2020, des difficultés pour la filière bâtiment persistent pour s'approprier la réalisation d'une analyse de cycle de vie (ACV) dont le but est de calculer l'impact carbone des constructions neuves, constate Thomas Zuelgaray, de la direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (DHUP), au sein du ministère de la Transition écologique. À l'occasion du salon EnerJ-Meeting organisé le 11 février à Paris, ce dernier a dressé un bilan de la réglementation, en compagnie de Nathalie Tchang, directrice associée du bureau d'études Tribu Énergie.

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, les seuils carbone fixés par la RE 2020 sont plus exigeants, impactant aussi bien les maisons individuelles que les logements collectifs. Avec des normes renforcées en moyenne de 15 % par rapport à la période 2022 à 2024 pour l'indicateur Ic Construction, celui qui évalue les émissions des produits de construction et des équipements au cours du chantier. « Cela va contraindre à aller chercher un peu plus de fiches environnementales des produits et des matériaux pour calculer les émissions de CO2 en analyse de cycle de vie, et à revoir certains modes constructifs », a souligné Thomas Zuelgaray.

L'indicateur Ic Énergie mesure, quant à lui, l'impact carbone des consommations d'énergie du bâtiment durant toute sa durée de vie, établie à cinquante ans. Et s'agissant des maisons individuelles, « il n'y a pas de renforcement des exigences, parce que le seuil était déjà relativement bas dès 2022, avec l'objectif que les maisons individuelles ne soient plus équipées en matière de chauffage en énergie uniquement fossile, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour les bâtiments d'habitation collectifs », a poursuivi l'expert de la DHUP.

Des ajustements pour respecter les exigences fixées en 2025

Un décret, paru le 31 décembre 2024, a toutefois assoupli certaines dispositions de la RE 2020 entrées en vigueur au 1er janvier 2025. Ce texte a été pris à la suite d'un retour d'expérience réalisé avec la filière de la construction.

Parmi les modifications introduites dans ce décret, figure une meilleure prise en compte des particularités des résidences étudiantes, en raison des équipements sanitaires et des canalisations ramenés au mètre carré, qui pesaient un poids carbone très élevé dans le calcul de l'Ic Construction. « Il a donc été décidé de créer une modulation pour tous les bâtiments qui ont des logements de surface en moyenne inférieure à 40 mètres carrés pour leur permettre de franchir le seuil 2025 », a-t-il précisé.

Une correction qui était très attendue par Nathalie Tchang. Car « le grand avantage, c'est qu'avec cette nouvelle modulation, on va pouvoir avoir un gain qui va se situer entre 40 et 60 kilogrammes de CO2 par mètre carré pour le calcul de l'Ic Construction, ce qui nous permet de donner un petit peu de souplesse sur la plomberie des constructions de résidences étudiantes », a-t-elle expliqué.

Cela va contraindre à aller chercher un peu plus de fiches environnementales des produits et des matériaux pour calculer les émissions de CO2 en analyse de cycle de vie, et à revoir certains modes constructifs

Thomas Zuelgaray, DHUP, ministère de la Transition écologique

Le décret adapte également les seuils Ic Énergie pour les maisons individuelles ou accolées raccordées à un réseau de chaleur urbain. « Le seuil a été assoupli pour les maisons individuelles afin d'aligner les exigences sur ce qui est requis pour les logements collectifs », a indiqué Thomas Zuelgaray.

D'autres ajustements concernent les réseaux de chaleur classés, c'est-à-dire les réseaux de chaleur auxquels il est obligatoire de se raccorder en cas de construction neuve. « Certains de ces réseaux ont pris du retard dans leur verdissement et donc, pour ne pas impacter les constructions, on a décidé de reporter l'application du seuil 2025 de l'Ic Énergie à 2028 », a-t-il ajouté.

En outre, ce décret intègre une modulation sur l'indicateur Ic Construction liée à l'installation de panneaux photovoltaïques pour toutes les typologies de bâtiments soumises à la RE 2020. « Il a été décidé d'étendre cette modulation à l'ensemble des constructions pour, d'une part, soutenir le photovoltaïque et, d'autre part, dans le cadre de la nouvelle directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, parce que bientôt toutes les constructions neuves seront obligées de se doter d'une production d'énergie renouvelable en toiture ».

Bientôt d'autres typologies tertiaires soumises à la RE 2020

Le décret concerne les bâtiments déjà soumis à la RE 2020 : les maisons individuelles, les bâtiments d'habitation collectifs, les bureaux, les bâtiments d'enseignement primaire et secondaire. Ces corrections ne s'appliquent que pour les permis de construire déposés après le 1ᵉʳ janvier 2025. De nouvelles catégories de bâtiments tertiaires intégreront également le champ de la RE 2020, a confirmé l'expert de la DHUP. Tels que les hôtels, les commerces ou encore les restaurants, les médiathèques, les gymnases, qui sont toujours régis pour l'instant par la RT 2012. « Désormais, on est dans la phase de validation des seuils de la RE 2020 qui sera étendue aux autres typologies tertiaires, mais également en phase de préparation des textes avant leur mise en consultation. On espère une entrée en vigueur au second semestre 2025 », a-t-il annoncé.

Les projets de construction devront s'orienter davantage vers des FDES

Par ailleurs, des seuils carbone encore plus bas sont prévus pour l'Ic Construction en 2028 et 2031. « Il s'agira de réduire l'impact carbone des constructions, avec des baisses successives d'environ 10 % des émissions à chaque fois. On va donc rentrer dans le vif du sujet à partir de 2028. Cela va requérir de faire appel aux fiches de déclaration environnementale des produits (FDES), mais également de réfléchir aux modes constructifs, en allant chercher plus de matériaux de réemploi, bas carbone ou recyclés », insiste Thomas Zuelgaray.

À cela s'ajoute l'application obligatoire, d'ici à la fin de 2025, de la norme européenne NF EN 15804+A2 pour toutes les déclarations environnementales des matériaux. Or, selon Nathalie Tchang, la révision de cette norme pourrait avoir un impact sur la réalisation des FDES des bétons bas carbone, pouvant générer « une hausse d'environ 20 kg CO2 eq. » de l'Ic Construction. De qui compromettre le respect du seuil fixé à partir de 2028. Ces FDES en question sont issues du configurateur Betie et publiées sur la base Inies. « Aujourd'hui, on parvient à respecter le seuil 2028 avec des planchers mixtes, des planchers bas carbone et des façades à ossature bois. Mais l'enjeu est plutôt financier : on a du mal à se les payer ! » a-t-elle pointé du doigt.

De son côté, la Fédération française du bâtiment (FFB) continue d'alerter les pouvoirs publics sur la « quantité insuffisante de données environnementales de qualité » des produits et équipements du bâtiment (FDES et PEP), pour atteindre les seuils applicables depuis le 1er janvier 2025 et les suivants. Elle regrette que le décret final ait supprimé une disposition initiale qui prévoyait la possibilité de prolonger de trois ans la durée de validité des données environnementales afin « de répondre, en partie, à cette question ».

Rachida Boughriet / actu-environnement

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