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Lutte contre l'artificialisation : comment le Fonds friches va évoluer

16/09/2022

Lutte contre l'artificialisation : comment le Fonds friches va évoluer

Le Fonds friches assure le recyclage de zones abandonnées.    © JeanClaude

Pour lutter contre l'artificialisation des terres, le recyclage des friches est indispensable. Le Fonds friches mis en place par le gouvernement joue un rôle clé. Celui-ci se dit toutefois prêt à le faire évoluer pour prendre en compte les critiques.

La lutte contre l'artificialisation des espaces naturels, agricoles ou forestiers implique de construire sur des terrains déjà artificialisés et/ou de densifier les agglomérations. La difficulté vient du surcoût que cela représente pour les aménageurs : il est toujours plus onéreux de construire sur une friche que sur un espace vierge, compte tenu des coûts de démolition et, le cas échéant, de dépollution.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement a lancé, en septembre 2020, dans le cadre du plan de relance, un fonds pour le financement des opérations de recyclage des friches. Celui-ci a tout de suite rencontré un vif succès, même si certaines améliorations sont réclamées par les parties prenantes. À l'écoute de ces dernières, en particulier des collectivités territoriales, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, assure avoir entendu les critiques et être prêt à faire évoluer cet outil.

Trois éditions successives

Doté de 300 millions d'euros (M€) à l'origine, le fonds a été abondé une première fois de 350 M€ en mai 2021, puis de 100 M€ supplémentaires en janvier 2022. Il finance deux types de projets sous forme de subventions. D'une part, la reconversion de friches polluées issues d'anciens sites industriels ou miniers dans le cadre d'appels à projets nationaux lancés par l'Agence de la transition écologique (Ademe). D'autre part, des opérations de recyclage foncier à travers des appels à projets régionaux, pilotés par les préfets. Trois éditions du Fonds friches ont déjà été lancées, les résultats de la troisième ayant été dévoilés le 21 juillet dernier.

À la suite de ces trois éditions, 1 382 projets ont été financés, permettant de recycler 3 375 hectares de friches. Ils devraient générer 6,7 millions de mètres carrés de logements, 4,85 millions de mètres carrés de surfaces économiques, et 4,07 millions de mètres carrés d'équipements publics, indique le ministère de la Transition écologique.

Face à cette réussite, Emmanuel Macron a annoncé la pérennisation du fonds, en septembre 2021. Les modalités de cette pérennisation doivent être débattues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, qui doit être présenté fin septembre. Auditionné le 13 septembre par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le ministre de la Transition écologique a toutefois dévoilé les orientations que le gouvernement souhaite lui donner afin de prendre en compte un certain nombre de revendications remontées des territoires.

« Argent sonnant et trébuchant »

Sur le terrain, le Fonds friches est bien accueilli, tant par les collectivités que par les aménageurs ou les professionnels de la dépollution. « Nous relevons le succès du Fonds friches, car c'est de l'argent sonnant et trébuchant qui vient compléter les déficits d'opérations. C'est une bonne nouvelle que le gouvernement souhaite pérenniser ce fonds », a ainsi salué Alain Chrétien, vice-président de l'Association des maires de France (AMF), le 27 juillet dernier, lors d'une table ronde organisée par le Sénat sur le sujet du zéro artificialisation nette (ZAN).

"C'est une bonne nouvelle que le gouvernement souhaite pérenniser ce fonds". Alain Chrétien, vice-président de l'Association des maires de France

 Ce qui n'empêche pas les représentants des collectivités de proposer des améliorations. « Le Fonds friches est très bien perçu sur le terrain, mais il faut simplifier les choses avec un guichet unique », suggère ainsi Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France. « Il ne doit pas être réservé territorialement. Petites villes, villes moyennes, grandes villes, on a tous ce sujet plus ou moins dans nos politiques », plaide, de son côté, Alain Chrétien, qui réclame, par ailleurs, de mettre en œuvre le fonds en continu, et non plus sous forme d'appels à projets. « C'est assez paradoxal de demander des projets aboutis dans le cadre de l'appel à projets, car cela a favorisé les collectivités déjà les plus favorisées, celles qui ont l'ingénierie et les moyens de monter ces projets », confirme Lucas Chevrier, conseiller économie et industrie chez Intercommunalités de France.

Les moyens alloués posent aussi question. « Il est nécessaire de renforcer le fonds », réclame Annette Laigneau, vice-présidente de Toulouse Métropole et représentante de France urbaine. « Il faudrait multiplier le fonds par 1 000 pour que les communes rurales puissent s'en saisir facilement », lance, quant à lui, Sébastien Gouttebel, président de l'Association des maires ruraux du Puy-de-Dôme.

Du côté des professionnels de l'aménagement et de la dépollution, le fonds est plutôt bien perçu également. Ainsi, François Rieussec, président de l'Union nationale des aménageurs (Unam), salue la création de cet outil et sa pérennisation qu'il souhaite « durable ». « On salue aussi le fait que tous les opérateurs ont droit au Fonds friches, que ce soit du public ou du privé, quelle que soit la forme urbaine ou même la procédure », ajoute-t-il.

Le fonds bénéficie aussi au secteur de la dépollution. Dans une analyse publiée en juin dernier, le cabinet Xerfi prévoit une croissance du chiffre d'affaires du secteur de 8 % en 2022, puis de 6 % par an jusqu'en 2025. Une croissance due en partie au Fonds friches, expliquait Christel de La Hougue, déléguée générale l'Union professionnelle de la dépollution des sites (UPDS). « D'anciens sites parfois bloqués depuis plus d'une dizaine d'années, faute de moyens et de rentabilité associée, vont être revitalisés », se félicite Jonathan Senechaud, membre du bureau de l'organisation professionnelle, dans UPDS Mag. Celui-ci demande aussi de faire perdurer ce fonds sur un temps long afin de donner une lisibilité aux acteurs privés, actuellement minoritaires parmi les bénéficiaires des subventions, mais aussi aux acteurs publics qui ont à mener des réflexions complexes à l'échelle d'un quartier, voire d'une ville.

Globaliser les crédits dans un fonds unique

Christophe Béchu entend répondre à un certain nombre de ces revendications. Devant les membres de la commission des lois, il a annoncé, après un arbitrage de la Première ministre, la fusion du Fonds friches dans un fonds unique de 1,5 milliard d'euros, « simple d'accès, qui ne repose pas sur des appels à projets et sur une ingénierie [lourde] », avec des objets qui ne seraient pas limitativement énumérés « parce qu'ils tiendraient compte de la réalité des territoires ».

C'est le sens de l'annonce du Fonds vert faite par Élisabeth Borne, le 28 août dernier. Outre les crédits du Fonds friches, celui-ci regrouperait aussi les 500 millions d'euros du plan de renaturation, qu'elle a annoncé en juin dernier, mais aussi des crédits destinés à d'autres actions d'atténuation ou d'adaptation au changement climatique. Christophe Béchu a ainsi évoqué l'érosion du trait de côte, l'accompagnement de dispositifs d'électrification de flottes ou encore des actions d'amélioration de la qualité de l'air en avance sur la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE). « On répond à un besoin de souplesse », a expliqué le ministre.

« C'est un fonds avec des crédits nouveaux », a assuré le ministre face aux interrogations des députés, expliquant qu'il n'y avait pas plus de 350 M€ du budget 2022 correspondant aux objets finançables par ce fonds. « Il reste des questions à trancher qui relèvent du débat parlementaire », a-t-il toutefois admis. Parmi celles-ci figurent, en effet, celles de la durée du fonds et des modalités pratiques de sa mise en œuvre.

Un débat qui devrait rouvrir celui de la fiscalité environnementale. « C'est super de faire un Fonds friches (…), mais peut-être que la question de regarder comment on renchérit l'artificialisation pourrait permettre de faciliter les équations », a suggéré Christophe Béchu.

Laurent Radisson / www.actu-environnement.com

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