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L'inaction climatique coûte-t-elle cinq fois plus cher que l'action en faveur du climat, comme l'affirme Marine Tondelier ?
01/02/2025

La secrétaire nationale du parti écologiste (EELV), Marine Tondelier, quitte l'hôtel Matignon après une rencontre avec le Premier ministre français, le 17 décembre 2024. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)
Alors que les ressources destinées à la transition écologique sont en baisse dans le projet de budget 2025, Marine Tondelier, la cheffe des Écologistes, a affirmé que l'absence d'action pour le climat coûterait bien plus cher qu'investir en faveur de l'environnement.
Les Écologistes ont lancé une tribune pour demander "halte au sacrifice de l'écologie" et déplorent la diminution des investissements et des dépenses en faveur de l'environnement dans le projet de budget du gouvernement pour l'année 2025. La secrétaire nationale du parti EELV, Marine Tondelier, a estimé dans une interview sur TF1 jeudi 23 janvier que ces économies de court terme causeront des dépenses encore plus grandes à l'avenir. "Vous savez, les sommes qu'on n'investit pas dans l'environnement, il est démontré par les économistes que ça coûtera cinq fois plus cher. Cinq fois plus chère, l'inaction climatique", a-t-elle martelé. Vrai ou Faux ?
Le rapport Stern, l'effet d'une bombe en 2006
L'estimation que donne Marine Tondelier provient d'un rapport assez célèbre en la matière, le rapport Stern. Un document de sept cents pages qui a fait l'effet d'une bombe quand il a été rendu en 2006, il y a quasiment 20 ans. C'est le premier rapport sur le coût de l'action et de l'inaction climatique qui a été fait par un économiste – Nicholas Stern, ex-vice-président de la Banque mondiale et à l'époque bras droit du ministre britannique des Finances – et non par un climatologue. C'est également le premier rapport sur le sujet qui a été commandé par un gouvernement, en l'occurrence le gouvernement britannique.
Ce rapport concluait qu'investir un seul pourcent du PIB mondial par an, suffisait à réduire l'impact de l'activité humaine sur le réchauffement climatique, alors que si l'absence d'action pourrait coûter 5% du PIB mondial par an.
"L'étude estime que si nous ne faisons rien, les coûts et les risques globaux du changement climatique provoqueront l'équivalent d'une perte d'au moins 5% du PIB mondial chaque année, maintenant et pour toujours. Si l'on prend en compte des risques et des impacts encore plus larges [en chiffrant les pertes de vies humaines, l'impact plus lourd dans les pays pauvres notamment], l'estimation des dommages grimpe à 20% du PIB ou plus", a calculé le rapport (en anglais).
"En comparaison, les coûts de l'action – réduire les émissions de gaz à effet de serre pour éviter les pires impacts du changement climatique – peuvent être limités à environ 1% du PIB mondial par an", ajoutait-il.
Quelque 5% contre 1% : l'inaction climatique coûterait donc bien cinq fois plus que l'action, selon ce rapport, comme le dit la cheffe des écologistes français. On note qu'il s'agit de l'estimation la plus basse et que le coût de l'inaction pourrait même être 20 fois plus important que celui des investissements en faveur du climat.
Un rapport plutôt conforté par d'autres études
Ce rapport a essuyé plusieurs critiques à sa sortie, à la fois parce qu'il est difficile en réalité de chiffrer le coût des conséquences du réchauffement climatique et parce qu'il est tout aussi difficile de chiffrer le coût des investissements, sur le long terme. Certains ont aussi estimé qu'il avait une vision trop catastrophiste de l'évolution du climat et qu'il n'avait retenu que les éléments qui permettaient d'entrevoir le scenario du pire. Au contraire, en 2013, Nicholas Stern estimait que les conséquences arrivaient plus vite que prévu et que les choses étaient encore plus sérieuses. "Je me suis trompé sur le changement climatique, c'est bien pire", titrait alors le Guardian en le citant.
Vingt ans plus tard, son rapport est toujours régulièrement cité comme référence. Cependant, depuis, d'autres études se sont penchées sur le sujet, avec leurs propres méthodes de calcul. La plupart concluent que l'inaction climatique coûte en effet plus cher que l'action. C'est le cas du dernier rapport du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. C'est aussi le cas d'une étude de l'Institut allemand de recherche sur l'impact climatique de Potsdam, parue en avril 2024, et qui conclut que le coût des émissions passées sera six fois plus élevé que le coût de l'action climatique d'ici 2050.
En décembre 2023, l'Ademe, l'Agence de la transition écologique, estimait qu'une transition écologique retardée pourrait conduire à une perte de 1 100 milliards de dollars entre 2030 et 2050, soit 50 milliards de dollars par an en moyenne. L'Ademe prédit une perte de 1,5% du PIB en 2030 et de 5% de PIB en 2050. L'inaction coûterait encore plus cher, avec des pertes estimées à 7% du PIB annuel. Et encore, l'agence estime que ces coûts sont "probablement sous-estimés", notamment parce qu'elle n'a pas pu prendre en compte l'aggravation des catastrophes climatiques, ni les effets indirects du réchauffement climatique comme les déplacements de populations, les politiques d'adaptation et de reconstruction.
Armêl Balogog / francetvinfo