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Une stratégie pour atteindre l'objectif de 30 % d'aires protégées en 2022

16/01/2021

Une stratégie pour atteindre l'objectif de 30 % d'aires protégées en 2022

Le Parc national des Calanques créé en 2012                                                        © olrat

Dans la foulée du One Planet Summit, l'exécutif publie sa nouvelle stratégie pour protéger 30 % du territoire national d'ici deux ans. Le degré de la protection et les moyens alloués posent question.

La France porte à l'international une coalition destinée à protéger 30 % des espaces terrestres et marins d'ici 2030. Elle se doit de donner l'exemple chez elle. Emmanuel Macron a par conséquent annoncé, lors du One Planet Summit du 11 janvier, qu'il appliquerait ce niveau de protection dès 2022. Une redite d'une annonce faite en mai 2019 dans la foulée de la publication du rapport alarmant de l'IPBES. Les experts de la biodiversité composant cette plateforme intergouvernementale y montraient qu'un million d'espèces étaient menacées d'extinction.

Pour mettre en œuvre cet objectif, l'exécutif publie sa stratégie nationale. « Pour la première fois, une stratégie des aires protégées unifiée pour la France hexagonale et les territoires d'outre-mer, et qui intègre à la fois les enjeux terrestres et maritimes, est adoptée », vantent les ministres de la Transition écologique et de la Mer dans un communiqué commun. Il ne s'agit effectivement pas de la première stratégie. Elle fait suite à deux stratégies dédiées, l'une aux territoires terrestres (Scap), l'autre aux aires marines (SAMP). Le plan biodiversité, présenté par Nicolas Hulot en juillet 2018, affichait aussi l'ambition de créer de nouvelles aires protégées.

Le Gouvernement a effectivement créé le Parc national des forêts en 2017 et quelques réserves naturelles : Strasbourg-Neuhof, Marais Vernier, Haut-Rhône français, Chaumes du Verniller, réserve marine de La Réunion, Îles du Cap Corse, Marais d'Yves, Robertsau. Mais on reste encore loin du compte. « Les espaces naturels protégés français couvrent environ 21 % des terres et 23,5 % des eaux françaises », indique encore l'Office français de la biodiversité (OFB) sur son site.

Protection forte de 250 000 hectares de forêt

La stratégie sera mise en œuvre par trois plans d'actions triennaux successifs. Le premier, couvrant la période 2021-2023, prévoira de nombreuses mesures concrètes, annonce l'exécutif : protection forte de 250 000 hectares de forêt, création ou extension de vingt réserves naturelles nationales, création de deux parcs naturels régionaux, protection de  6 000 hectares de littoral.

Se pose toutefois la question du degré de protection des aires annoncées comme étant protégées. La protection forte d'un tiers de ces aires est inscrite dans la stratégie mais n'avait pas été formellement réaffirmée par le président lors du One Planet Summit. « Seront-elles accompagnées de 10 % sous protection forte ? Grosse interrogation du jour, pas d'annonce à ce sujet », avait réagi avec inquiétude Arnaud Schwarz, président de France Nature Environnement (FNE), à l'issue du sommet. Selon une nouvelle étude du CNRS, qui sera publiée en février 2021 dans la revue Marine Policy, seul 1,6 % de l'espace maritime français bénéficie d'un statut de protection intégrale ou haute. De plus, 80 % de cette protection forte est concentrée dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Pour Yves Verilhac, directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), « c'est une fausse bonne idée que ce concept », car tout dépend de la définition retenue. En tout état de cause, « compter les parcs naturels régionaux comme espaces naturels protégés est un abus de langage, car c'est le droit commun qui s'y applique », pointe l'ancien directeur du parc naturel régional des Monts d'Ardèche. Les véritables protections réglementaires sont celles des parcs nationaux et des réserves naturelles nationales. Mais les collectivités locales gèrent aussi de nombreux espaces protégés : les départements avec les espaces naturels sensibles, les régions avec les réserves naturelles régionales. Outre des terrains privés gérés par des ONG, des espaces bénéficient aussi de protection à travers les politiques foncières du Conservatoire du littoral ou des conservatoires d'espaces naturels. « La stratégie prend en compte la diversité des territoires et les engagements portés par les élus, les acteurs et les citoyens », tient d'ailleurs à préciser le Gouvernement.

« Effort budgétaire particulier »

Une deuxième question est celle des moyens alloués aux espaces dont on décrète la protection. Le Gouvernement met en avant un « effort budgétaire particulier ». Et d'annoncer 10 millions d'euros (M€) dans la loi de finances pour 2021, 60 M€ dans le plan de relance pour rénover les structures d'accueil ou mener des opérations de génie écologique. « C'est une déclaration d'amour, et nous la prenons comme telle. La bague de fiançailles a été une augmentation de 6 M€ du budget des réserves pour 2021. Nous attendons maintenant des preuves d'amour », réagit Yves Verilhac de la LPO, qui gère 27 réserves naturelles, dont quatorze pour le compte de l'État.

Compter les parcs naturels régionaux comme espaces naturels protégés est un abus de langage, car c'est le droit commun qui s'y applique. Yves Verilhac, directeur général de la LPO

 « On ne peut pas créer de nouveaux espaces naturels protégés à moyens constants. Ni créer de vastes zones marines à l'autre bout de la planète sans exigences de protection ni de moyens humains et financiers », tempère toutefois le directeur de l'ONG. La déclaration du chef de l'État lors du One Planet Summit semble répondre à cette préoccupation. « Les moyens humains consacrés à leur gestion par les opérateurs de l'État seront renforcés sur les trois années à venir, notamment par la mobilisation du service civique », a en effet assuré Emmanuel Macron. Pourtant, la loi de finances pour 2021 a acté des suppressions de postes au sein du ministère de la Transition écologique et de ses opérateurs, notamment au sein de l'OFB. Comme l'établissement le souligne lui-même, il est pourtant censé être « un acteur majeur du Gouvernement en lien avec les gestionnaires et autres acteurs d'aires protégées ».

Concernant plus particulièrement les parcs nationaux, les effectifs ont baissé depuis 2011 puis se sont stabilisés malgré la création de deux nouveaux parcs. « Les plus vieux parcs nationaux paient cher ces créations : moins 20 % en dix ans et l'érosion continue. Désormais, ils ne pourront plus remplir toutes les missions qui leur incombent », a alerté le Syndicat national de l'environnement (SNE-FSU) en décembre. Contrairement aux grands parcs américains, les parcs français « n'ont jamais été des territoires sous cloche, où quelques rangers suffisent. Leur réussite repose sur un minimum de forces vives aux compétences variées ! », rappelle le syndicat. Ce que ne dément pas la secrétaire d'État à la biodiversité. « Notre stratégie de protection « à la française » veut réconcilier activités humaines et nature préservée. Retrouver ces équilibres c'est redonner du sens », affirme Bérangère Abba à l'occasion de la publication de la stratégie.

« Il faut les deux »

Le lancement de cette stratégie pose également la question de savoir si la protection de la biodiversité doit privilégier les seules aires protégées. « L'État avait eu tendance à lever le pied sur cette politique (…)  faute de moyens et sous prétexte d'une politique généralisée à l'ensemble du territoire pour toutes les espèces, y compris celles dites « banales » », relève Yves Verilhac. « En réalité, il faut les deux, estime le directeur de la LPO : les espaces naturels protégés sont les piliers d'une stratégie, des réservoirs et des haltes pour les espèces, notamment migratrices ».

Mais, selon ce dernier, si les politiques d'espaces protégés ont fait leurs preuves, ça n'est pas le cas des autres politiques comme la trame verte et bleue (TVB) ou la séquence éviter-réduire-compenser (ERC), dont on attend toujours les résultats.

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