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Stratégie hydrogène vert : « 7 milliards d'euros pour faire de la France le leader européen »

04/10/2020

Stratégie hydrogène vert : « 7 milliards d'euros pour faire de la France le leader européen »

L'hydrogène est un moyen de décarboner l'industrie et certains secteurs de la mobilité          © Fokussiert

Bruno Le Maire et Barbara Pompili ont présenté la nouvelle stratégie hydrogène du Gouvernement qui vise à lancer une filière industrielle en France. Une ambition saluée par les acteurs qui doivent désormais honorer le rendez-vous et monter les projets.

« Une stratégie à sept milliards pour gagner un pari technologique. Sept milliards pour être les meilleurs en Europe ». Telle est l'ambition de Bruno Le Maire et Barbara Pompili en présentant ce mardi 8 septembre la « Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France ». Face aux acteurs de la filière réunis par l'Afhypac, les ministres de l'Économie et de la Transition écologique ont détaillé les objectifs, les outils et les canaux de financement qui vont s'activer au cours des deux prochaines années pour « repousser une frontière technologique afin de respecter les limites naturelles  de la planète », selon Barbara Pompili. Bruno Le Maire en est convaincu : « Nous avons les atouts industriels et les entreprises pour créer une filière française pourvoyeuse d'emplois et de valeur ajoutée ».

Pour organiser cette dynamique, Bruno Le Maire va prendre la tête d'un Comité national de l'hydrogène au sein duquel se retrouveront tous les acteurs de la filière. Le Gouvernement va également mettre en place une task force interministérielle pour mener à bien la stratégie en interne.

Construire et installer des électrolyseurs en France

Cette nouvelle stratégie hydrogène vise à installer suffisamment d'électrolyseurs pour apporter une contribution significative à la décarbonation de l'économie. Le Gouvernement vise une capacité de production d'hydrogène de 6,5 GW d'ici 2030. Parmi les différents procédés, la stratégie retient l'électrolyse car elle apparaît « comme le plus prometteur et la France dispose déjà d'industriels à fort potentiel », justifie le Gouvernement. Mais les autres formes de production d'hydrogène renouvelable seront aussi accompagnées.

A l'image de « l'airbus des batteries » qui est en train de prendre forme, la France entend construire un « airbus des électrolyseurs » en faisant émerger des projet de giga factory dans le cadre d'un Projet important d'Intérêt européen commun (PIIEC/IPCEI). La France y consacrera une dotation financière de 1,5 milliard d'euros.

Soutenir la consommation d'hydrogène dans l'industrie

Pour éviter le syndrome de l'œuf ou la poule, la stratégie veut encourager la consommation d'hydrogène vert. Premier axe : l'industrie. Surtout celle du raffinage qui consomme de l'hydrogène pour désulfurer les carburants. La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) prépare un mode de soutien spécifique à ce secteur. Ce dernier sera exempté de taxe s'il intègre de l'hydrogène vert dans ses process. « Ces dispositions seront présentées en loi de finances 2021 pour une mise en œuvre en 2023 », a précisé Laurent Michel, directeur de la DGEC. Cette dernière espère encourager la substitution d'hydrogène fossile par de l'hydrogène vert à hauteur de 20 000 tonnes, pour un secteur qui en utilise 145 000.

Un mécanisme de garanties d'origine verra aussi le jour pour valoriser l'hydrogène décarboné par rapport à l'hydrogène produit à partir de combustibles fossiles. Et pour compenser le surcoût de la production d'hydrogène vert, un dispositif de soutien de type « appel d'offres + complément de rémunération » appuiera l'investissement, à l'image de ce qui a été mis en place dans d'autres filières d'énergie renouvelable. « A ce jour, l'écart de prix entre l'hydrogène électrolysé et l'hydrogène classique est important. Il peut se combler par un prix du carbone mais en attendant, il faut des aides », justifie Laurent Michel. La DGEC mise sur un soutien versé sur 15 ans, à un volume de projets représentant une production de 90 000 tonnes d'hydrogène pour un budget de 325 millions d'euros par an pour 2022 et 2023. Soit un soutien aux alentours de 7 euros du kg d'hydrogène produit. « La concertation avec les parties prenantes va être lancée avec pour objectif de notifier ces aides d'État à la Commission européenne rapidement et permettre une mise en place pour 2021 », a précisé Barbara Pompili. Les premiers appels d'offres seraient ouverts début 2022 pour une première sélection de projets au cours du second semestre 2022.

Soutenir la consommation dans la mobilité lourde

« L'hydrogène répond aux besoins de fortes puissances motrices ou aux besoins de longue autonomie, notamment pour les flottes captives parcourant de longues distances à flux tendus », estime le Gouvernement. C'est pourquoi sa stratégie vise particulièrement la mobilité lourde pour le transport de voyageurs et de marchandises. Utilitaires, poids lourds, trains, avions, bus, navettes fluviales…, tout est visé. Un appel à projets (AAP) « Briques technologiques et démonstrateurs » sera lancé pa l'Ademe pour développer tous les composants et systèmes liés à la production et au transport d'hydrogène, et à ses usages. Cet AAP est doté de 350 M€ jusqu'en 2023.

Afin de mutualiser les usages de l'hydrogène, un autre AAP sera lancé pour créer des écosystèmes territoriaux. D'ici la fin de l'année, l'Ademe lancera l'AAP « Hub territoriaux d'hydrogène » pour sélectionner des consortiums réunissant des collectivités et des industriels fournisseurs de solutions pour favoriser au maximum les économies d'échelle. Cet appel à projet sera doté de 275 M€ d'ici 2023.

Selon son directeur, Laurent Michel, la DGEC est en train de caler des aides fiscales supplémentaires pour l'achat de véhicules lourds fonctionnant à l'hydrogène.

Vers un campus de l'hydrogène

Afin de faire émerger les innovations nécessaires à la réussite de cette stratégie, un budget supplémentaire de 65 millions d'euros sera orienté vers la recherche sur l'hydrogène par l'Agence nationale de la recherche (ANR). Ce programme de recherche prioritaire sera co-piloté par le CEA et le CNRS.

L'emploi est également un objectif de la stratégie gouvernementale avec, en ligne de mire, le développement des compétences et la création, à terme, de 50 000 et 150 000 emplois directs et indirects dans ce secteur. Afin de former à tous les niveaux, le Gouvernement appelle à la création d'un ou plusieurs campus de l'hydrogène qui regrouperaient les lycées professionnels, les universités et les écoles d'ingénieurs au sein d'un même lieu. « L'enjeu est de proposer des formations et des qualifications pour former des techniciens à intervenir sur les électrolyseurs, des ingénieurs, des responsables QHSE ou encore des pompiers », détaille Bruno Le Maire.

En attendant, un recensement de toutes les formations déjà existantes est en cours.

A la recherche de projets

Sur les 7 Md€ promis, 3,4 Md€ seront alloués au cours des deux prochaines années : 54 % pour l'industrie, 27 % pour la mobilité, 19 % pour la recherche et l'innovation. Les porteurs de projets vont ainsi pouvoir frapper à la porte de l'Ademe, de BPI France, de l'Agence nationale de la recherche ou encore de la Caisse des dépôts pour innover, industrialiser ou créer des écosystèmes territoriaux autour de l'hydrogène. « Sur les 7 milliards, nous envisageons de mobiliser 50 % de ce montant d'ici 2023. Ca va démarrer vite », prévient Karine Vernier du secrétariat général pour l'investissement.

Du côté de l'Ademe, 150 millions d'euros vont pouvoir être débloqués dans les mois à venir selon des modalités déjà éprouvées : subventions, prêts bonifiés, avances remboursables. « Il va falloir des projets, prévient Arnaud Leroy, président de l'agence. Mais ce ne sera pas open bar. On ira chercher projets qui ont une utilité sociétale et industrielle ». Du côté de BPI France, on mise également sur les modes de financement habituel. « Il faut mettre du carburant dans les tuyaux déjà créés, explique Nicolas Dufourq, son directeur général. Avances remboursables, prêts à l'innovation, capital amorçage, capital risque, appels à projets…, ce sont des outils extrêmement efficaces. Il n'y aura pas de rationnement budgétaire. Il faut juste trouver les entrepreneurs », explique-t-il.

Les acteurs de la filière, se disent prêts à relever le défi. « Des 100 millions d'euros initiés par le plan hydrogène de Nicolas Hulot, on bascule vers une autre échelle avec une visibilité à 10 ans mais aussi des exigences d'emploi et de création de valeur, c'est un véritable défi industriel » estime Christelle Werquin, déléguée générale de l'Afhypac.

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