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Spécialiste des grandes cultures, la Tricherie montre l'exemple dans le biocontrôle, alternative aux pesticides

05/01/2021

Spécialiste des grandes cultures, la Tricherie montre l'exemple dans le biocontrôle, alternative aux pesticides

Engagée dans la sortie des pesticides depuis les années 1990, la coopérative regroupe 280 agriculteurs.

Dans la Vienne, la coopérative agricole la Tricherie, spécialiste des grandes cultures, a fait le choix du biocontrôle. Une stratégie qui lui permet de valoriser la production de ses adhérents au-dessus du prix du marché. Reportage.

Cette année, la moisson n’est pas bonne pour Laurent Portelance. Cet agriculteur, installé à Saint-Georges-lès-Baillargeaux (Vienne), s’attend à un rendement en moyenne 20 % inférieur aux prévisions. "L’humidité au moment des semis a tout foutu en l’air", souffle ce chef d’une exploitation de 266 hectares. Malgré les mauvais résultats, Laurent Portelance ne remet pas en cause la stratégie adoptée par la coopérative La Tricherie dont il fait partie depuis 1981. La structure, dont le siège se situe à Beaumont (Vienne), regroupe plus de 280 agriculteurs tous situés entre Châtellerault et Poitiers. Depuis le milieu des années 1990, la coopérative s’est orientée vers les marchés de filières autour d’une stratégie : valoriser la production des agriculteurs en diminuant la dépendance aux produits phytosanitaires.
"Dans les années 1990, nous avons été confrontés à la concurrence d’autres bassins agricoles, comme le Nord et la Beauce, dont les capacités de production étaient largement supérieures aux nôtres. Notre conseil d’administration a alors décidé de miser sur la qualité des produits, tant pour tenter de se différencier que pour répondre à la demande des consommateurs", se souvient Baptiste Breton, le directeur technique de cette coopérative fondée en 1936. Une stratégie qui a porté ses fruits, car près de trente ans plus tard, elle est la seule structure native de la région encore en activité et elle a plus que doubler sa collecte, à 118 000 tonnes par an. "Aujourd’hui, la quasi-totalité de la production de céréales de La Tricherie est destinée au marché national via des contrats de filière", précise Baptiste Breton.

La coopérative a rejoint, dès 1998, le groupe d’intérêt économique de la filière CRC (culture raisonnée contrôlée) dont elle représente aujourd’hui 10 % des volumes en blé tendre, soit 65 000 tonnes. Un résultat atteint notamment grâce au biocontrôle. "Nous avons réuni tous les fournisseurs et les clients autour de la table pour faire le point sur les solutions alternatives qui pouvaient être proposées", résume le responsable. Sans préciser les chiffres, la direction de La Tricherie confirme que les ventes de produits de biocontrôle, notamment pour remplacer des insecticides et des fongicides, ont explosé au cours des dernières années. Du côté des herbicides, faute de solutions alternatives, les agriculteurs de coopérative tentent d’ajuster les dates de semis et de faire évoluer la fréquence de rotation et les cultures associées.

Certification environnementale pour se distinguer

(Sur les 118 000 tonnes de céréales collectées chaque année, 65 000 tonnes de blé tendre sont certifiées culture raisonnée contrôlée et sont utilisées tant par Agromousquetaires que C’est qui le patron?!

"Le biocontrôle est un levier multifactoriel, qui s’inscrit dans une démarche globale passant par la sélection variétale, par le choix de la nutrition mais également par le travail des sols", défend Baptiste Breton. Forte de sa spécificité, la coopérative a été approchée il y a deux ans par un industriel pour lui fournir du blé certifié HVE (haute valeur environnementale). Les exploitations de la coopérative possédaient déjà le niveau 2 de ce label composé de trois stades [lire l’encadré ci-dessous]. "Nous avons mené un audit interne et réalisé que 14 agriculteurs étaient déjà prêts", précise Baptiste Breton. Aujourd’hui, 50 exploitations de La Tricherie sont certifiées HVE, dont celle de Laurent Portelance. "Cette nouvelle certification me permet de valoriser mon blé en moyenne à 200 euros la tonne, contre 170 euros hors des contrats ", précise l’agriculteur.

Une somme qui compense les heures de travail supplémentaires demandées par ces pratiques alternatives. "Se passer des pesticides nécessite un suivi plus subtil", confirme l’agriculteur en montrant l’application sur laquelle il indique, en temps réel, les différentes interventions qu’il opère sur ses parcelles. Des données qui permettent aux techniciens de La Tricherie de suivre les différents traitements et d’accompagner les agriculteurs au quotidien dans le respect des différents cahiers des charges. Alors que la campagne 2020 est très mauvaise pour l’ensemble des acteurs, les exploitations certifiées HVE par la Tricherie résistent globalement mieux. "C’est la preuve de la résilience de notre modèle", observe Baptiste Breton. Un constat partagé par Laurent Portelance : "Quand, il y a vingt ans, j’ai opté pour l’arrêt du labour et les semi-directs, on me traitait de fou. Aujourd’hui, même les techniciens des autres coopératives viennent me voir pour savoir comment je m’en sors."

La HVE, nouvelle panacée des agriculteurs

Au 1er janvier 2020, plus de 5 399 exploitations agricoles étaient certifiées haute valeur environnementale (HVE), soit trois fois plus que l’année précédente. Une illustration parfaite de l’engouement pour ce label issu de la loi Grenelle 2. Cette certification, attribuée aux exploitations dans leur ensemble, vise "à identifier et valoriser les exploitations agricoles préservant la biodiversité et limitant l’impact de leurs pratiques sur l’environnement ". La HVE se compose de trois niveaux : le premier correspond au respect des normes environnementales en vigueur. Le second, plus contraignant, fait référence à l’obligation de moyens. Il est fondé sur un référentiel de 16 critères parmi lesquels l’adhésion à des démarches collectives de protection de plantes, les modalités de stockage des engrais, la possession de plan des zones à enjeux environnementaux sur les parcelles... Le troisième niveau est celui qui permet aux exploitations d’afficher la mention HVE. Il impose une obligation de résultat mesuré via des indicateurs de performances environnementales, comme l’indicateur de fréquence de traitement et la balance azotée. Le plan biodiversité 2018du ministère de la Transition écologique s’est fixé pour objectif de certifier 15 000 exploitations à l’horizon 2022 et 50 000 en 2030. Un défi de taille quand on sait que, contrairement au bio, la certification coûte 9 000 euros aux agriculteurs sans rapporter, hors contrat, de rémunération supplémentaire.

www.usinenouvelle.com

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