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Les sénateurs adoptent une proposition de loi pour mettre l'hydroélectricité "au cœur de transition la énergétique"

21/04/2021

Les sénateurs adoptent une proposition de loi pour mettre l'hydroélectricité "au cœur de transition la énergétique"

Les sénateurs ont adopté, le 13 avril, en première lecture une proposition de loi visant à "inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique française et de la relance économique". EDF/ Franck Oddon

Une proposition de loi visant à "inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique française et de la relance économique" a été adoptée en première lecture au Sénat, lors d’une séance publique, le 13 avril. Déposé par plusieurs élus, dont Daniel Gremillet (LR, Les Vosges), le texte vise à répondre aux "freins persistants", normatifs et fiscaux notamment, bridant le potentiel de la première source d’électricité renouvelable du pays. Il permettrait notamment selon les sénateurs de contribuer à l’objectif de neutralité carboné fixé en 2050 par la loi énergie-climat.

Les sénateurs ont adopté, le 13 avril, en première lecture une proposition de loi visant à "inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique française et de la relance économique". EDF/ Franck Oddon

Réunis en séance publique le 13 avril, les sénateurs ont adopté en première lecture une proposition de loi visant à "inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique française et de la relance économique". Après un passage en commission des affaires économiques, fin mars, le texte a reçu 64 amendements en séance publique, dont 18 ont été adoptés. Le texte n’étant pas un projet de loi déposé par le gouvernement, il pourrait ne pas trouver sa place dans l’agenda chargé de l’Assemblée nationale avant la fin du quinquennat, sauf si un groupe politique décide de l’inscrire dans une niche.

"CADRE RÉGLEMENTAIRE SIMPLE"

"Il est difficilement compréhensible, et assurément regrettable, que le plein essor de l’hydroélectricité demeure entravé par des freins réglementaires et administratifs", a introduit Daniel Gremillet (LR, Les Vosges), à l’origine du texte, lors de l’examen en séance publique. Pour l’élu, il s’agit ainsi de construire "un cadre réglementaire simple, agile et incitatif" pour le secteur. Rapporteur au Sénat de la loi énergie-climat de 2019, il avait alors regretté que le texte final n’intègre pas davantage l’hydroélectricité à son périmètre alors même qu’elle constitue selon lui "une source d’énergie prometteuse pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques". Pour rappel, il s’agit notamment d’atteindre une part de 40 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique en 2030 (contre 26,9 % en 2020).

Composée de 19 articles, la proposition de loi se répartit en trois chapitres devant répondre à trois difficultés soulignées par ses auteurs : la "faiblesse" du cadre stratégique, une "complexité" normative et administrative et la "forte pression fiscale" pesant sur les porteurs de projets.

Dans le chapitre Ier, intitulé "consolider le cadre stratégique en faveur de la production d’énergie hydraulique", un amendement (n° 28) déposé par le communiste Fabien Gay a introduit l’article 1er A demandant au gouvernement "un rapport sur les conséquences industrielles et environnementales ainsi qu’en termes de souveraineté énergétique […] d’une mise en conformité de la législation française avec la directive 2014/23/UE du Parlement européen". Après la perte du statut d’établissement public d’EDF en 2004, Bruxelles a mis en demeure la France à deux reprises, en 2005 et 2019, pour lui demander de se conformer aux règles de la concurrence européenne et de libéraliser une partie de ses barrages hydrauliques. Le projet "Hercule" de réorganisation de l’électricien doit permettre, selon l’exécutif, le règlement de ce différend en créant un statut de quasi-régie (lire sur AEF info). Un sous-amendement (n° 56) des élus CRC fixe un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi pour la remise de ce rapport.

OBJECTIFS ET ÉVALUATION DE CAPACITÉS

L’article premier modifie l’article L. 100-4 du code de l’énergie pour fixer un objectif de capacités installées de production d’hydroélectricité d’au moins 27,5 GW en 2028 dont un quart de l’augmentation, entre 2016 et 2028, devra porter sur des installations dont la puissance est inférieure à 4,5 MW. Il s’agit également de "porter les projets de stockage sous forme de stations de transfert d’électricité par pompage à 1,5 GW au moins de capacités installées entre 2030 et 2035".

L’article 2 complète l’article L. 100-1A du code de l’énergie (qui prévoit l’adoption d’une loi quinquennale pour déterminer les objectifs et fixer les priorités d’action de la politique énergétique nationale) indiquant désormais que les objectifs de développement de l’hydroélectricité "portent sur l’évolution des capacités de production des installations hydrauliques […] ainsi que des Step (stations de transfert d’électricité par pompage). Ils précisent la part de cette évolution qui résulte de la création ou de la rénovation de ces installations et de ces stations".

Modifiant l’article L. 141-2 du code de l’énergie, l’article 3 propose d’intégrer à la PPE, après le 31 décembre 2022, une évaluation des "capacités de production existantes et potentielles, nationales et par région, sur sites vierges ou existants […] en fonction de leur puissance maximale brute" s’agissant des installations hydrauliques autorisées et concédées et des Step. Au titre d’un amendement (n° 32) de Fabien Gay, cet inventaire doit réunir "toutes les parties prenantes", soit les représentants des producteurs d’hydroélectricité mais également, pour les installations hydrauliques, les propriétaires de moulins à eau équipés. Un autre amendement (n° 15), déposé par le sénateur du Gers Franck Montaugé et d’autres membres du groupe SRC, étend ce recensement à "l’ensemble des installations existantes", dont les anciens sites de production aujourd’hui désaffectés, mais qui font ou qui pourraient faire l’objet de projets de réhabilitation.

Lors de l’examen, Bérangère Abba, secrétaire d’État en charge de la biodiversité, a estimé que ces objectifs étaient "peu réalistes" et qu’il n’était "pas souhaitable d'[en] fixer pour une seule filière d’énergies renouvelables". "Nous avons besoin d’une approche globale, pour diversifier notre mix et assurer la sécurité de notre approvisionnement", a-t-elle affirmé, indiquant que la loi encourage déjà le développement de l’hydroélectricité. Elle ajoute que "la multiplication des installations de faible puissance pourrait avoir un impact environnemental très important pour de faibles avantages énergétiques".

MULTIPLES BILANS

L’article 4 prévoit de modifier l’article 179 de la loi de finances pour 2020 afin d’ajouter au rapport sur l’impact environnemental du budget, annexé à chaque projet de loi de finances initiale, un "état évaluatif des moyens publics et privés" en faveur de la production d’hydroélectricité et de son stockage par des Step. Il dresse les bilans des "autorisations délivrées ou renouvelées" et des "contrats conclus au cours du dernier exercice budgétaire pour les installations autorisées". Il précise également "les évolutions intervenues au cours du dernier exercice budgétaire et envisagées au cours du prochain exercice dans l’organisation des installations hydrauliques concédées". L’article s’appliquerait à compter du dépôt du PLF pour l’année 2022.

Malgré l’avis défavorable du gouvernement, le nouvel article 4 bis, introduit par l’amendement n° 43 du sénateur François Bonhomme (LR, Tarn), complète l’article L. 214-17 du code de l’environnement pour intégrer un "bilan triennal devant le comité national de l’eau et le Parlement [afin] d’évaluer les actions réalisées, les incidences des évolutions législatives et réglementaires sur la production d’énergie hydroélectrique et de formuler des recommandations sur les priorités à traiter". Un sous-amendement (n° 59) du centriste Patrick Chauvet (Seine-Maritime), également rapporteur du texte pour la commission des affaires économiques, fait débuter ce bilan au 1er janvier 2022, prévoyant également sa transmission au CSE (Conseil supérieur de l’énergie), et y ajoute une référence au stockage.

DÉROGATIONS À LA "CONTINUITÉ "ÉCOLOGIQUE"

Dans le chapitre II "Simplifier les normes applicables aux projets d’énergie hydraulique", l’article 5 consolide la dérogation aux règles de continuité écologique à l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement, qui s’applique désormais à "tous les moulins à eau, forges et leurs dépendances existant à la date de publication de la loi […] dès lors que leurs propriétaires, des tiers délégués ou des collectivités territoriales les dotent d’un équipement pour produire de l’électricité, y compris postérieurement à cette date". L’amendement rectificatif (n° 1) déposé par la sénatrice de l’Essonne Laure Darcos au nom du groupe LR précise l’article L. 214-17 du code de l’environnement sur l’obligation d’entretien et d’équipement et ajoute qu’il "ne saurait être porté atteinte aux éléments essentiels de l’ouvrage permettant l’utilisation de la force motrice du cours d’eau".

Trois amendements (n° 4 rect bis, n° 37 rect et n° 42) ajoutent l’article 5 bis pour permettre le déclassement des cours d’eaux "lorsque les critères de classement ne sont pas réunis". L’article inscrit une nouvelle disposition à l’article L. 214-17 du code de l’environnement affirmant qu’un "seuil aménagé ne doit plus être considéré comme un obstacle à la continuité écologique et ne doit plus faire l’objet de nouvelles prescriptions pendant dix ans". Cette question a également fait l’objet d’un vif débat à l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen en séance publique du projet de loi climat et résilience, après le vote d’un amendement visant à exclure la possibilité de financer la destruction des retenues de moulins (lire sur AEF info).

La secrétaire d’État Bérangère Abba a notamment émis un avis "très défavorable" face à deux amendements (n° 36 rect. quater et n° 41), finalement rejetés, qui visaient à interdire à l’administration d’imposer des travaux de rétablissement de la continuité écologique en dehors des cours d’eau classés en liste 2 "sauf démarche volontaire des propriétaires, y compris lors des renouvellements d’autorisation". "L’article 5 ne vise que les ouvrages sur les 11 % de cours d’eau prioritaires. Ce n’est pas une raison pour renoncer à tout effort sur les autres rivières. On nous annonce une baisse de débit de 10 à 30 % d’ici à 2100, songeons-y", a-t-elle lancé aux sénateurs, affirmant que cela constituerait une "régression grave et importante du droit de l’environnement".

L’article 6 modifie l’art. L. 311-1 du code de l’énergie et facilite les augmentations de puissance des installations hydrauliques autorisées en leur permettant d’augmenter "d’au moins 25 %" leur puissance maximale brute, y compris au-delà de 4,5 MW, sans qu’elles ne relèvent pour autant du régime de la concession. L’article 6 bis complète quant à lui l’article L. 511-2 de ce même code qui autorise les projets d’ouvrage à produire de l’électricité. L’amendement de Patrick Chauvet (Seine-Maritime, Union centriste) propose de dispenser d’autorisation l’installation de turbines ichtyocompatibles, qui présentent des taux de mortalité des poissons plus faibles que les turbines classiques.

L’article 7 de la proposition de loi insère un article L. 511-14 au code de l’énergie prévoyant la détermination, par un arrêté du ministère chargé de l’énergie, d’un modèle national pour les règlements d’eau des installations hydrauliques autorisées ou concédées contenant plusieurs prescriptions dont celles tenant compte "de la préservation de la viabilité économique de ces installations". L’amendement n° 62 du rapporteur de la commission des affaires économiques, Patrick Chauvet, limite le coût de ses prescriptions aux installations hydrauliques, autorisées ou concédées, et au Step.

"PORTAIL NATIONAL DE L’HYDROÉLECTRICITÉ"

L’article 8 prévoit plusieurs procédures, désormais inscrites au code de l’énergie, comme une demande de regroupement émanant du concessionnaire ou une demande de participation des collectivités territoriales et de leurs groupements à des SEMH (sociétés d’économie mixte hydroélectriques). L’autorité dispose d’un délai de six mois, renouvelable une fois, pour se prononcer, l’absence de réponse valant "décision d’acceptation".

À travers l’article 9 du texte, les sénateurs ont abaissé de 1 GW à 500 MW le seuil de puissance maximale brute, prévu à l’article L. 524-1 du code de l’énergie, et au-delà duquel la création d’un comité de suivi de l’exécution de la concession et de la gestion des usages de l’eau est de droit. Il prévoit également l’information "sans délais" des maires et des présidents d’EPCI et le cas échéant, le comité de suivi de l’exécution de la concession et de la gestion des usages de l’eau de toute évolution dans l’organisation des concessions hydroélectriques. Le sénateur de la Loire Jean-Claude Tissot a obtenu l’adoption, au nom du groupe SER, d’un amendement (n° 64), complété par un sous-amendement de Patrick Chauvet (SA n° 64), visant à associer les élus "en cas de projet porté à la connaissance de l’administration", une mesure là encore demandée en réaction au projet "Hercule" d’EDF.

L’article 10 institue une expérimentation pour les installations hydrauliques, autorisées ou concédées, dont la puissance est inférieure à 10 MW de puissance maximale brute, pour une durée de quatre ans avec notamment l’introduction d’un "référent unique" à l’échelle départementale pour traiter l’ensemble des demandes d’information et de conseil relatives au projet d’installation.

L’article 11 instaure un "portail national de l’hydroélectricité" pour que les professionnels disposent d’un "point d’entrée unique" et "dématérialisé" avec plusieurs informations, comme les Sdage (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) ou les Sraddet (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires). Un amendement (n° 16) de Franck Montaugé (Gers, SER) complète cette liste par les S3REnR (schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables).

L’amendement n° 63 du rapporteur Patrick Chauvet crée l’article 11 bis visant à "reconnaître l’intérêt général majeur" attaché aux installations hydrauliques autorisées et concédées et aux Step, à l’article L. 100-2 du code de l’énergie.

"INCITATIONS FISCALES"

Le troisième et dernier chapitre vise à "renforcer les incitations fiscales afférentes aux projets d’énergie hydraulique". Les articles 13 à 16 en instaurent plusieurs comme une exonération de principe de TFPB sur les parties des installations hydroélectriques destinées à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique ou une réduction d’impôt de 30 % sur le revenu des personnes physiques (IRPP) pour les propriétaires de "moulins à eau", à raison des travaux réalisés et des équipements acquis pour leur mise en conformité avec les règles de préservation de la biodiversité et de restauration de la continuité écologique.

L’article 17 insère une nouvelle disposition à l’article L. 2125-7 du code général de la propriété des personnes publiques afin d’appliquer, dès la promulgation de la loi, un plafond de 3 % du chiffre d’affaires annuel à l’ensemble des redevances pour prise d’eau et pour occupation du domaine public fluvial de l’État.

Alors que l’article 18 organise le calendrier d’application de plusieurs dispositions du texte, l’article 19 prévoit que "les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement". Celles résultant pour l’État sont "compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits".

Malgré son opposition à de nombreuses dispositions du texte, notamment fiscales car relevant selon elle de la loi de finance,  Bérangère Abba a salué un "débat de qualité, qui a échappé aux caricatures". "Il faut dépasser les conflits d’usages", a-t-elle conclu, indiquant vouloir "poursuivre ces débats" dans le cadre de l'examen du projet de loi climat et résilience.

www.aefinfo.fr/


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