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Les drones mettent la tête dans l'eau

24/02/2021

Les drones mettent la tête dans l'eau



La mode des drones envahit aussi le domaine de l’eau. De nombreuses petites sociétés proposent soit leurs produits, soit des prestations complètes. Avec en promesse, des gains de temps dans les analyses et d’avantage de sécurité pour le personnel.

« Le maintien du contact et la localisation des équipes qui travaillent dans les canalisations est un enjeu de sécurité majeur pour les services d’exploitation », assure Alexandre Ventura, chercheur au Lyre, le centre de recherche et d’expertise de Suez, à Bordeaux. Heureusement, si effectivement on peut se perdre dans les réseaux d’eau en les inspectant, on ne dénombre aucune perte humaine, juste des pertes de communications. La solution ? N’envoyer que des engins automatiques et autonomes, des drones. D’abord volants - un drone est le terme anglais pour faux bourdon-, ces engins sont aussi aujourd’hui proposés sous forme de bateau, on parle alors de drones aquatiques, ou d’appareils sous-marins. « Ce monde des drones évolue très vite », reconnaît Alexandre Ventura.

Sans cesse innover

Depuis notre article publié il y moins de deux ans (EIN 420), en ce qui concerne les plans d’eau, les bassins de décantation ou les lacs, ce sont les drones aquatiques qui émergent. Les 4 modèles d’Heliceo (SuperBathy, HyperBathy, MegaBathy, GigaBathy) sont en vente dans 15 pays. Le Superbathy sert à scanner les ports, les écluses ou les barrages. « Il est équipé d’un échosondeur mono ou bi-fréquences voire d’un lidar pour le scan des berges et des infrastructures de génie civil. Une première mission s’effectue en manuel afin de détourer le plan d’eau, puis fort de ce résultat, le drone suit un plan de nage en automatique, explique Jean-François Baudet, PDG d’Hélicéo. S’il y a une île ou un obstacle, on crée une zone d’exclusion dans laquelle le drone n’ira pas ». Les bateaux sont dotés d’un GPS RTK (Real Time Kinematic) dont la précision en centimétrique et à 5 centimètres en altimétrie. 

Comme d’autres drones aquatiques tel que le drone DTG3 de Deeptrekker, ces bateaux peuvent être instrumentés de capteurs divers (Ph, turbidité, redox, O2 dissous, chlorophylle, etc.). Helicéo a ainsi vendu un de ses drones au Chili afin de mesurer régulièrement la nature chimique des bassins de rétention d’une mine de cuivre perché à 3.500 mètres d’altitude et qui se pourrait se déverser vers les villages situés en dessous. « Nous pouvons de plus effectuer des tests microbiologiques, ajoute Dan Angelescu, directeur Recherche et Développement chez Fluidion. Les Escherichia Coli et les entérocoques intestinaux sont ainsi surveillés en même temps que les paramètres physico-chimiques. C’est le laboratoire qui vient dans l’eau ». Ce drone Fluidion est capable d’effectuer 14 prélèvements de 250 cl jusqu’à 3 mètres de profondeur grâce à un profileur avec, au choix, une descente de la sonde ou une remontée de l’eau dans le capteur. La cartographie des mesures est donnée en temps réel. « Celles du capteur d’ammonium permettent de situer précisément les sources de pollution par les eaux usées, qui peuvent être confirmées avec les mesures microbiologiques rapides que nous proposons », donne en exemple Dan Angelescu. Comme celles d’Helicéo, les données sortent en format CSV.

Toutes ces embarcations sont des monocoques, mais ADCPro propose toujours ses catamarans et ses trimarans pour aller plus vite ou pour des forts courants.

Diverses motorisations

La motorisation de ces engins a posé quelques problèmes. Le plus simple fut d’équiper ces drones d’hélices, mais dans les zones chargées de détritus, de vase ou d’algues, les hélices peuvent s’encrasser et coincer le moteur. Xylem Analytics France, à travers sa marque Sontek, a conçu une plateforme flottante motorisée et télécommandée permettant de mesurer par ADCP les vitesses, hauteur, bathymétrie d’une rivière, cours d’eau… 

Le RS5 de Sontek, le plus petit ADCP au monde permet de travailler sur des petites hauteurs d’eau, de l’ordre de 15 cm, dans des conditions extrêmes sans aucun changement de la configuration. ADCPro a modifié ses nouveaux drones SOS Board, destinés à aider les personnes en perdition dans l’eau qu’elles soient des baigneurs ou des rescapées de naufrage. À la place des hélices, le moteur fonctionne maintenant par hydrojet avec une autonomie de 30 minutes à une distance maximale de 500 mètres. Hélicéo a résolu le problème en offrant une double motorisation avec des hélices dans l’air et d’autres dans l’eau. Fluidion a protégé ses hélices, tandis que les drones aquatiques Spyboat, conçus et développés par CT2mc, une société savoyarde du Bourget-du-Lac, spécialisée dans la fabrication de produits alliant matériaux composites et robotique ressemblent à des aéroglisseurs des Everglades. Leur propulsion est uniquement aérienne que ce soit le modèle Duck pour les étangs et les mares, le Goose pour les lacs et les rivières ou les Swan pour les grandes surfaces ou les courants forts.

Dernier né de la gamme SPYBOAT®, le Swan Lagune est équipé d’une perche permettant de mesurer la couche de boue/sédiments présente au fond des lagunes ou autres bassins.

Équipé d’un système de positionnement par satellite, d’une caméra vidéo, d’un sondeur mono-faisceau 500 kHz et d’un système de perche jusqu’à 2 m, cette version permet la collecte de mesures d’épaisseurs de boues sédimentées avec une précision inférieure à 15 cm.

« Nous les utilisons pour les mesures bathymétriques des plans d’eau ou des bassins d’épuration, déclare Pierre-Yves Lempire, président de Bathy Drone Solutions, société basée près d’Arras et spécialisée depuis 2018 dans les prestations à base de drones. Comme le système de propulsion n’est pas dans l’eau, on peut même inspecter les aqueducs qui n’ont qu’un très faible niveau d’eau. De plus leur maniabilité permet presque tout, y compris d’ausculter les berges de la Seine en passant entre les quais et les péniches amarrées. On propose une solution là où il n’y en a pas ».

Dronaquatech réalise aussi des prestations de dépollution de macrodéchets flottants et d'irisations d'hydrocarbures avec son Jellyfishot, lauréat 2020 du concours I-Nov de l'ADEME, Cleantech Open France. « Bourré d'intelligence artificielle, Jellyfishbot mesure des tonnes de paramètres, inspecte les fonds marins, sert à des équipes de rescue etc., fait de la bathymétrie, effectue des inspections des parties émergées de pontons flottants, de berges, de quais, ou de canalisations par exemple, grâce à ses caméras intégrées. Mais, il sert aussi à sensibiliser les jeunes et moins jeunes publics aux pollutions maritimes. C'est une action de fond dans laquelle nous sommes clairement engagée. Nous réalisons les inspections subaquatiques des parties immergées avec le drone DTG3 version expert de Deep Tecker que nous prestatons, en intégrant le cas échéant un sonar multi-faisceau pour les endroits disposant d'une faible visibilité », explique Arnaud Byl, gérant et télépilote de drones marins et sous-marins professionnels chez Dronaquatech.

Ces drones aquatiques sont souvent imposants, au moins 1, 50 de long, mais E-4S, spécialisée dans les moyens de mesures et de prélèvements embarqués sur un drone aquatique communicant, qui propose déjà ses services à l’instar des concurrents, compte mettre sur le marché des petits drones tel son Alcydrone, polyvalent multi modulaire, communicant, plug and play, d’un mètre de long. En plus des données classiques à l’environnement aquatique (PH, oxygène dissous, paramètres physico-chimiques, turbidité…), la start-up poitevine propose des études de bathymétrie de cours d’eau réaliser des prélèvements et l’inspection d’ouvrages de berge avec une caméra embarquée.

« On peut donc également y intégrer tout capteur, qui soit compatible avec les dimensions du bateau, pour créer facilement un nouveau module spécifique sans pour autant redévelopper un drone » précisent les cofondateurs de E-4S.

Lauréat de l’appel à projets - Initiative PME Biodiversité - du Programme d’Investissements d’Avenir (PIA) en 2016, le bureau d’étude Minyvel Environnement Le Medec a développé le drone nautique Diapason (Drone d’Investigation et d’Alerte des Proliférations Algales, Scientifique Opérationnel et Naturaliste) pour l’évaluation des risques sanitaires vis-à-vis des activités nautiques et de baignades. Pièce maîtresse de l’outil, la sonde de phycocyanine équipée d’un treuil pour les prélèvements en profondeur qui permet de mesurer et collecter en surface et en profondeur l’image « 3 D » de la prolifération algale de la zone d’investigation.

Torpilles et planeurs sous-marins

Tous ces drones sont équipés de GPS afin de positionner précisément les lieux scannés, photographiés ou analysés et de revenir aux mêmes endroits ce qui permet de suivre l’évolution des compositions chimiques de l’eau. Mais dans les réseaux d’eau potable, dans les citernes ou les réseaux d’eaux usées, les bateaux ne sont pas adaptés. Les drones volants comme ceux de Ginger CEBTP sont équipés de caméras thermiques afin de mettre en valeur les fuites, les suintements et autres zones d’humidité. Le thermogramme permettra de révéler toutes les différences de température induite par la présence d’humidité, de suivre le cheminement des zones humides afin d’identifier la source de l’anomalie ainsi que sa nature qu’elle soit exogène ou endogène. 

Ces caméras peuvent aussi mettre en évidence des cavités ou bulles d’air dans les infrastructures routières, les façades ou les digues. « La difficulté est l’inspection des tuyaux de moins d’1,20 mètre de diamètre. Comme aucun personnel n’y va, ils sont sous-inspectés. Nos recherches ont abouti à y envoyer des drones très spécifiques » déclare Alexandre Ventura, chez Suez. En collaboration avec Dronisos, spécialisée dans les spectacles de drones en essaim, Suez réalise les premiers vols dans les réseaux d’assainissement comme à Toulouse, Libourne ou Marseille. Avec les Suisses de Flyability, ils utilisent le drone Elios 2 qui circule sans dommages dans les tuyaux de plus de 40 centimètres de diamètre même en l’absence de signal GPS. Sa caméra 4K et son éclairage rasant, puissant de 10.000 lumens, permet de détecter toutes les aspérités dues aux fissures ou à la corrosion, quant à son logiciel compagnon, il permet de localiser précisément les défauts dans un environnement 3D.

Dron’eau, de son côté, a fait de l’inspection des réservoirs d’eau potable sa spécialité. Équipé d’une caméra 4K UHD, doté d’un éclairage de plus de 1.000 lumens, son drone aquatique permet ainsi une inspection sous-marine jusqu’à 100 m de profondeur avec un angle de vision de 270°, le manque de lumière ne lui faisant pas peur.

« C'est également notre cœur de cible et l’une des spécialités de Dronaquatech, affirme Arnaud Byl. La version expert du DT3G de Deeptrekker amène plus de stabilité et utilise un sonar multi faisceau qui permet d'inspecter intégralement les infrastructures hydrauliques ainsi que leur épaisseur par la jauge à ultrasons multi-echos Cygnus si nécessaire ».

 a également une longue expérience dans les équipements sous-marins. Ses produits développés et fabriqués en interne sont souvent discrets mais apportent aux utilisateurs les fonctions indispensables aux missions qu’ils ont à assurer. Le drone PIRANHA en est une illustration. Flexible par la modularité des capteurs embarqués, hautement maniable et très précis, c’est un compromis judicieux pour explorer, préalablement à des plongeurs, les milieux subaquatiques difficiles d’accès, éloignés, protégés, hostiles ou dangereux. Par sa légèreté, son faible encombrement, sa bobine de fibre optique embarquée, il se met en œuvre aisément et sans palan à partir d’une embarcation légère.

Autre innovation de Suez, informatique celle-là, l’interprétation automatisée des données des SewerBalls, équipement conçu par l’Eawag de Zurich et vendu par Kofatec. 

Ce sont des balles instrumentées qui dérivent dans le réseau et mesurent la qualité chimique de l’effluent. En France, Alseamar est le seul fabricant non-américain de drones de type Planeur sous-marins. La société implantée en région sud, propose le SeaExplorer, sorte de petite torpille propulsée par variation de flottabilité plutôt que par hélice, amenant à des records d’autonomie de plusieurs mois de navigation entre la surface et 1.000 m de profondeur en toute discrétion. Pilotées à distance par satellite, des flottes de Seaexplorers sont utilisés dans le domaine océanographique en particulier dans la caractérisation du réchauffement des eaux, ou la mesure des courants ; dans le domaine pétrolier dans la recherche de trace d’hydrocarbures ; ou encore dans la Défense dans la caractérisation de l’environnement acoustique ou la lutte sous-marine. Ailleurs se distingue le groupe canadien Deep Trekker qui propose deux ROV (Remotely Operated Vehicles), soit le DTG3, autonome pendant 8 heures et qui peut se mouvoir jusqu’à 200 mètres de profondeur avec deux ports pour des capteurs, soit le Revolution, qui peut descendre jusqu’à 1.000 mètres équipé de 6 capteurs. Et Wally 1 est une grosse chenillette sous-marine créée par l’allemand IseaMC. « C’est le domaine qui progresse le plus en ce moment, reconnaît Pierre-Yves Lempire qui s’est équipé d’un de ces drones sous-marins Deep Trekker. On l’utilise pour la recherche de fuites avec de la fluoriscéine. En l’équipant d’une pince rotative, on peut aussi nettoyer ou réparer une grille ». ECA Group propose quant à lui trois véhicules télécommandés portables et compactes pour l’inspection TV des entrées et sorties d’eau : les H300 MK2 et H800 MK2 pour les opérations sous-marines allant jusqu’à 300 m et 1.000 m de profondeur, et le pipeline Inspector, spécialement profilé pour faire fonctionner à l’intérieur des usines de grandes conduites d’eau industrielles.

Suez comme Bathy Drone Solutions, Dronaquatec et d’autres utilisent ces drones sous-marins pour inspecter les réseaux. N’étant pas positionnables par GPS, qui ne fonctionne pas sous terre, ils sont souvent reliés à l’opérateur par un câble dont la mesure donne la position dans le réseau et permet la remontée des données. Évidemment on ne s’improvise pas pilote de drone. Tous les fabricants proposent donc des formations dans les packs de base. « Ils ont alors une double expertise, la première étant une finesse de la connaissance des réseaux. Ce sont d’abord des personnes du métier », avertit Alexandre Ventura.

Un gros investissement

Question prix, ce n’est pas donné. Il faut compter entre 10 et 50 kiloeuros selon le drone et le nombre de capteurs installés. Un lidar coûte quatre fois plus cher qu’un échosondeur qui revient quand même à lui seul à 10 kiloeuros. Pour l’Institut de recherche et de sûreté nucléaire de Cherbourg, ce ne fut pas un problème. Il a ainsi acheté un drone Fluidion pour améliorer ses études d’éventuelles dispersions des produits en provenance de l’usine de La Hague. « Nous faisions cela en zodiac avec 3 personnes à bord en utilisant un traceur fluorescent, explique Pascal Bailly du Bois, chercheur au laboratoire de radioécologie de l’IRSN. Après un appel d’offre, une adaptation de notre capteur de fluorescence par Fluidion, 3 tests et une formation au pilotage, nous avons acheté début 2020 le Drone Fluidion afin de prendre automatiquement les données de fluorescence jusqu’à deux kilomètres en ligne droite ». Toutes les exploitations ne peuvent pas se permettre un tel investissement. C’est pourquoi les fabricants proposent au choix la vente des matériels drone compris ou bien des prestations. Certaines sociétés comme Dron’eau, Dronaquatech ou Bathy Drone Solutions ne proposent même que ce type de contrat. 

www.revue-ein.com / Jacques-olivier BARUCH et Pascale MEESCHAERT




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