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Citeo au coeur du réacteur dans le recyclage chimique
09/10/2020
La France recycle 29 % de ses emballages en plastique, et seulement 5 % hors bouteilles et flacons. © Citeo
Longtemps resté l’Arlésienne de la filière, le recyclage chimique des plastiques s’industrialise enfin, avec la construction de deux usines en France, par Total et Ineos, d’ici à 2023. Pour la deuxième année, Citeo réunit les porteurs de solutions technologiques et les utilisateurs de plastique autour du recyclage chimique, les 5 et 6 octobre. Au menu : l’exploration des technologies de pyrolyse et de gazéification.
Après avoir planché en 2019 sur la dissolution chimique et la dépolymérisation enzymatique, le forum Solutions plastiques - organisé par Citeo les 5 et 6 octobre (principalement en ligne, Covid-19 oblige) - explore les techniques thermiques de recyclage des plastiques. Celles-ci consistent à chauffer les polymères pour casser leurs molécules et revenir à leurs composants de base, avec le même objectif de re-produire des polymères de la qualité des vierges.
Pyrolyse et gazéification
Deux technologies sont discutées lors du forum Solutions plastiques édition 2020 : la pyrolyse et la gazéification. "La pyrolyse consiste à chauffer les plastiques autour de 400 degrés en l’absence d’oxygène pour casser les chaînes de molécules et produire une huile de pyrolyse", explique le directeur technique de Citeo, Carlos de Los Llanos. Cette opération produit du gaz (réutilisé comme énergie dans le process), une huile qui contient les différents hydrocarbures de base (diesel, naphtas, fuels lourds), qui peuvent ensuite être raffinés comme des produits pétroliers. Ces produits raffinés sont ensuite utilisés dans un processus classique de production de plastique.
La gazéification "consiste à chauffer beaucoup plus le plastique, à 700 ou 800 degrés, pour exploser complètement la molécule", précise Carlos de Los Llanos. Le procédé revient donc plus en amont, en produisant un gaz de synthèse – ou syngaz – composé de méthane, d’hydrogène et de monoxyde de carbone. Transformés en méthanol et éthanol, ils peuvent être également utilisés dans la pétrochimie classique pour refaire des monomères, puis des polymères.
Longtemps cantonnées à la production de combustibles énergétiques et carburants (plastic-to-oil), ces technologies thermiques sont désormais de plus en plus dirigées vers la production de plastiques, à plus forte valeur ajoutée. Tout comme la part de pétrole dévolue à la fabrication de plastiques augmente avec le temps.
Une dizaine d’entreprises technologiques invitées
Le forum Solutions plastiques réunit autour de ces deux technologies une dizaine d’entreprises européennes et nord-américaines, porteuses de solutions technologiques de ces deux familles, mais également les grands acteurs de la consommation et de la distribution, les financiers et investisseurs à même d’accompagner ces projets et les décideurs politiques qui peuvent les favoriser.
Parmi les porteurs de projets invités : l’américaine Agilyx, partenaire d’Ineos et Trinseo qui ont annoncé en septembre l’ouverture d’une unité de recyclage chimique du polystyrène à Wingles (Pas-de-Calais) en 2023. On retrouve aussi l’espagnole Plastic Energy, partenaire de Total sur l’unité de recyclage de polyéthylène, polypropylène et polystyrène de Grandpuits (Seine-et-Marne), annoncée également pour 2023. L’allemande Carboliq, la canadienne Enerkem, l’anglo-australienne Mura Technology et la norvégienne Quantafuel étaient également au rendez-vous.
Quelles technologies pour recycler quels plastiques ?
"Aucune technologie, que ce soit de recyclage mécanique ou chimique, n’acceptera un flux de tous les plastiques en mélange, rappelle le directeur technique de Citeo. La gazéification n’est pas loin de tout accepter en labo, mais la réalité industrielle est qu’il faudra toujours trier pour préparer des flux séparés et les homogénéiser dans un surtri. Il ne faut donc pas relâcher les efforts sur l’écoconception."
Le recyclage mécanique par tri, fusion et purification, dont la France est l’un des meilleurs élèves avec des champions comme France Plastiques Recyclage à Limay (Yvelines), permet aujourd’hui de recycler en boucle des volumes importants de PET clair (polyéthylène téréphtalate des bouteilles d’eau), de polyéthylène (PE) et de polypropylène (PP), à condition qu’ils soient propres, bien triés et ne contiennent pas trop de charges minérales, de colorants ou de pigments.
La dépolymérisation, chimique ou enzymatique, convient bien au PET (emballages colorés, opaques mais aussi textiles et moquettes) qui est un polyester car elle permet de couper une liaison précise pour revenir à ses composants, comme l’éthylène glycol et à l’acide téréphtalique. Elle est prometteuse pour les PET opaques ou colorés, qui sont aujourd’hui difficiles à valoriser.
La dissolution, par l’utilisation de solvants, permet de séparer les résines de films complexes, des mélanges de polyéthylène (PE) et de polypropylène (PP) notamment mais exige des déchets assez propres.
La pyrolyse vise elle aussi le PE et le PP, mais elle est plus tolérante sur les qualités de plastiques, qui peuvent contenir des charges minérales et des pigments. Elle s’intéresse aussi de plus en plus au polystyrène (PS), qu’elle traite selon les cas en mélange ou en flux séparé. Son industrialisation est plus avancée et elle est plus favorable à la conversion d’usines pétrochimiques existantes. Elle n’aime en revanche pas beaucoup le PET, qui contient de l’oxygène, ni le PVC qui, comme beaucoup de plastiques techniques, contient du chlore. Ni les polyamides qui contiennent de l’azote.
Le casse-tête de la traçabilité
Outre les technologies disponibles, le forum abordera le bilan environnemental des différents procédés et l’analyse en cycle de vie des matières ainsi recyclées. La traçabilité est un point critique pour suivre les taux d’incorporation, or la traçabilité physique est impossible dans l’industrie pétrochimique, qui par nature mélange les produits dans lesquels elle s’approvisionne. Comme dans l’électricité verte introduite dans les réseaux, les débats consistent à affiner le calcul de la "mass-balance", ou équilibre des masses sur un flux total.