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Le secteur de la beauté au défi d'un emballage plus propre

06/11/2020

Le secteur de la beauté au défi d'un emballage plus propre

La Roche-Posay (L’Oréal) innove avec un tube partiellement composé de carton, développé avec Albéa.

Les industriels de la cosmétique et de la parfumerie trouvent graduellement des solutions pour réduire l’impact environnemental de leurs emballages.

Le message de Jean-Paul Agon était limpide. Le 15 octobre par vidéo, le PDG de L’Oréal affirmait devant l’assemblée des premiers états généraux de la parfumerie-cosmétique qu’un développement plus durable "était une condition sine qua non de sa compétitivité". L’injonction venait conclure une table ronde sur l’économie circulaire et centrée sur les emballages. Ce sujet fait partie des pistes prioritaires du développement de l’industrie cosmétique.

Hélène Orliac, la directrice environnement, économie et réglementation internationale à la Fédération des entreprises de la beauté (Fébea), parle d’une "vraie prise de conscience de la part des industriels", même s’il "n’y a pas réellement de contrainte réglementaire aujourd’hui. Mais il y a l’attente des consommateurs. Nous parlons de produits plaisir et bien-être, pas forcément de luxe, qui ne peuvent pas être crédibles ou acceptables s’ils ne sont pas corrects sur le plan des pratiques environnementales".

Le secteur a pris le sujet à bras-le-corps. Avec de vraies avancées. Chez Clarins, 63 % des matériaux d’emballage sont recyclables, taux qui passe à 74 % chez Mugler, lequel se distingue aussi avec sa fontaine à parfums permettant de conserver ses flacons. Chez Yves Rocher, l’intégralité des flacons est en polyéthylène téréphtalate (PET) 100 % recyclés, ce qui éviterait l’utilisation de 2 700 tonnes de plastiques vierges par an. Le groupe a aussi divisé par quatre le contenu et l’emballage d’un gel douche pour le même nombre d’utilisations. Chez L’Oréal, où la conception d’emballages est cadrée par six grands axes (recyclage, réduction, remplacement des matériaux, rechargeable, remplissage et réinvention), le taux de recyclé et de biosourcé dans l’ensemble des emballages atteint près de 20 % avec un objectif de 50 % en 2025 et de 100 % en 2030.

Le verre pas si vert

Allègement des contenus, des contenants, des emballages primaires et secondaires, développement de la cosmétique solide pour les produits à base aqueuse (gels, shampoings), systèmes de recharges, incorporation de matériaux recyclés et recyclables, de multiples de solutions sont développées dans l’industrie cosmétique. Par exemple, les Laboratoires Expanscience testent depuis juin dans deux pharmacies, l’une à Paris et l’autre près d’Angers (Maine-et-Loire), une solution de vrac pour du gel douche bio pour bébé. Les clients achètent un flacon en verre consigné, qu’ils rapportent vide, et une "machine sécurisée, sans problème de contamination, remplit un autre flacon, apposant l’étiquette directement", précise Mathilde de Montgolfier, la responsable open innovation du laboratoire. Les flacons sales sont récupérés, transportés et lavés avant d’être remis à disposition pour remplissage en pharmacie. "Le test est prévu pour six mois et permettra de déterminer si les clients adhèrent au concept et si les conditions de transport et de lavage des flacons usagés produisent bien un effet vertueux, moins impactant, avant de déployer ce modèle", ajoute Mathilde de Montgolfier.

Cette expérience illustre l’un des écueils des développements en cours : les solutions de substitution sont-elles forcément meilleures ? Notamment pour les plastiques, placés tout en haut de la liste des matériaux à réduire drastiquement. "L’emballage en verre n’est pas forcément une solution, car il faut chauffer à 1 500° C pour faire fondre le verre, et en 2100, il n’y aura plus de ressources en sable pour le produire", assène Florent Girard, le directeur technique de Creagif Eco Concept, jeune entreprise française qui produit, distribue et recycle des matières plastiques avec des offres de plastiques 100 % biosourcés (PLA) ou entièrement recyclés (PET), utilisables pour des pots de crèmes et des flacons.

Limitation des matériaux

Autre problème, pour le recyclage : l’enchevêtrement des matériaux. "Dans la cosmétique et la parfumerie, il y a énormément de décors sur les emballages, avec des encres, de la métallisation, c’est problématique. Plus vous intégrez de matériaux différents, plus c’est difficile à recycler, surtout s’ils sont solidaires avec de la soudure ou du collage", explique Fabienne Schweitzer. Chargée d’affaires au Centre technique industriel de la plasturgie et des composites (IPC), elle connaît bien le problème. À l’IPC, une ligne de recyclage d’emballages solides, en attendant une prochaine ligne pour les emballages souples, permet aux industriels de tester leurs produits, en séparant tous les composants et en caractérisant chacun en termes de recyclabilité.

Certains optent pour la suppression de matériaux, notamment dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire votée en janvier et qui vise une recyclabilité totale des emballages plastiques en 2025. "Nous utilisions une trentaine de matériaux différents alors qu’aujourd’hui nous les avons limités à sept, tous recyclables, indique le directeur du développement du packaging chez Hermès, David Petit. Et nous évitons désormais les multicouches et les éléments non séparables." Chez Albéa, l’un des leaders mondiaux des emballages pour la cosmétique, Gilles Swyngedauw, le directeur du développement durable, de l’innovation et du marketing, ajoute qu’il faudra se séparer de certains matériaux « s’ils ne disposent pas de filières de recyclage ou que cela est trop coûteux. Et prendre le taureau par les cornes ».

Toutefois, Albéa ne compte pas se passer des plastiques. Gilles Swyngedauw note que « c’est un matériau nouveau, que l’on utilise depuis 50 ans, à l’inverse du verre qui a 2 000 ans. Or si l’on se retrouve face à une multitude de plastiques, tout le monde est perdu. Certains se recyclent très bien. Il y a des filières qui fonctionnent. Mais il faut se séparer d’autres non recyclables ». Illustration des efforts entrepris par Albéa a travers deux exemples. Avec L’Oréal, le groupe a développé un tube pour cosmétiques en carton, juste garni en intérieur d’un film plastique pour garantir l’étanchéité. Albéa a également mis au point le premier tube de dentifrice recyclable. "Nous avons investi plus de 30 millions d’euros dans ce projet qui permet de substituer une feuille d’aluminium, utilisée pour créer une barrière pour les arômes mais qui, mélangée avec les plastiques, empêchait le recyclage. Nous avons réussi à la remplacer par un matériau plastique recyclable qui permet désormais la recyclabilité intégrale de ces tubes", souligne Gilles Swyngedauw.

Le maquillage à la traîne

En dépit des avancées tous azimuts, une gamme peine encore à suivre cette voie : le maquillage. Jacques Playe, le directeur du packaging et du développement de L’Oréal, évoque une "poche de résistance pour certaines pièces parfois très techniques, constitutives des pompes et des applicateurs. Là, cela devient plus complexe". "Dans les boîtiers de maquillage, avec des systèmes de fermoir, des glaces internes, on trouve des caractéristiques et des pièces techniques spécifiques. C’est plus complexe à recycler, renchérit Hélène Orliac. Nous cherchons des solutions, en particulier en s’inspirant de filières de recyclage complexe comme celle des déchets d’équipements électriques et électroniques qui sont spécialistes des assemblages complexes. En recyclage mécanique, tout est broyé et il existe des techniques pour isoler des matériaux et les séparer. On s’inspire de ces systèmes pour voir comment mieux recycler. Les recyclages chimique et enzymatique sont aussi des pistes." Celle du recyclage chimique est très prometteuse. D’autant que le recyclage mécanique, qui est aujourd’hui la norme, dégrade la qualité des plastiques et ne permet pas de les débarrasser de tous leurs éléments contaminants, qu’ils soient odorants ou colorants par exemple. Gilles Swyngedauw vante les mérites du recyclage chimique qui, grâce à la dépolymérisation totale des plastiques, permettra "un recyclage à l’infini mais pas pour demain. Les technologies sont en développement. Il faudra peut-être encore attendre dix ans pour disposer des filières industrielles".

La révolution Spice Tool pour la conception d’emballages

L’industrie cosmétique s’est dotée d’une arme révolutionnaire : le Spice Tool. En 2018, L’Oréal s’est associé avec Quantis, spécialiste suisse du conseil environnemental, pour fonder la Sustainability packaging initiative for cosmetics (Spice) et mettre au point une méthodologie de mesure de l’empreinte environnementale des emballages cosmétiques. Rejoint par une vingtaine d’entreprises, de fournisseurs et d’organisations comme la Fédération des entreprises de la beauté (Fébea), le consortium a lancé le Spice Tool en septembre, lequel « permet de prendre en compte tous les critères d’un emballage, depuis l’approvisionnement des matériaux jusqu’à sa fin de vie », précise Hélène Orliac, la directrice environnement, économie, et réglementation internationale de la Fébea. Et d’expliquer que « ces critères sont intégrés dans la base et chaque entreprise peut entrer les données spécifiques pour son produit. Elles passent alors dans une moulinette informatique pour évaluer les solutions. L’intérêt est d’évaluer l’impact de différentes parties de l’emballage ou des modalités de décor, de voir comment faire évoluer ce packaging et d’évaluer un cycle de vie complet avant de concevoir l’emballage ». L’outil est accessible à tous les industriels de la cosmétique, gratuitement. Un avantage pour un secteur, en France, composé à plus de 80% de TPE et de PME.

Le plastique fait loi

  • 2,2 millions de tonnes d’emballages plastique, tous secteurs confondus, mis sur le marché en France en 2019
  • 82 % de matières plastiques vierges utilisées en 2019
  • 4 %, c’est le poids de l’industrie cosmétique dans les emballages en France

Sources Elipso, Fébea

 Des flacons produits avec des émissions industrielles de CO2

Il s’agit d’une première mondiale. Lanzatech, spécialiste américain d’origine néo-zélandaise du recyclage du carbone, et les groupes Total et L’Oréal ont réussi à produire le premier emballage plastique à partir d’émissions industrielles de carbone. Lanzatech a développé un système de captation d’émissions industrielles, puis de conversion de ce carbone en éthanol via un procédé biologique. Le relais est pris par Total grâce à un procédé de déshydratation, développé avec IFP Axens, qui permet de transformer l’éthanol en éthylène (matière pétrochimique de base pour la production de plastiques), puis de le polymériser en un polyéthylène aux mêmes caractéristiques que s’il était d’origine pétro-sourcée. Enfin, L’Oréal parvient à produire des bouteilles à partir de ce polyéthylène, là encore avec les mêmes propriétés que d’origine fossile. Le groupe compte l’utiliser pour des bouteilles de shampoing, et ce, dès 2024. Jacques Playe, le directeur du packaging et du développement de L’Oréal, décrit le procédé comme le « nec plus ultra de l’économie circulaire. Le plastique est non fossile et totalement recyclable. Aujourd’hui, nous en avons produit quelques kilos, l’idée c’est de l’industrialiser avec Total ».

www.usinenouvelle.com

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