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La régulation thermique des bâtiments fait peau neuve

23/07/2024

La régulation thermique des bâtiments fait peau neuve

Image thermique des murs et des toits d’un bâtiment. Crédit : Mandal et al./Université de Princeton

Des chercheurs ont mis au point un mécanisme passif innovant pour réguler la température des bâtiments. Cette approche novatrice, basée sur le contrôle des flux de chaleur radiante, pourrait révolutionner l’efficacité énergétique dans le secteur de la construction.

Une étude présente une avancée significative dans le domaine de la régulation thermique des bâtiments. Des chercheurs de Princeton et de l’UCLA ont développé un mécanisme passif capable de rafraîchir les édifices en été et de les réchauffer en hiver.

Le principe repose sur la restriction des flux de chaleur radiante entre les bâtiments et leur environnement à des longueurs d’onde spécifiques. Des revêtements conçus à partir de matériaux courants permettent d’obtenir des économies d’énergie et un confort thermique supérieurs à ceux offerts par les enveloppes de bâtiments traditionnelles.

Jyotirmoy Mandal, professeur assistant de génie civil et environnemental à Princeton, indique : «Avec l’augmentation des températures mondiales, maintenir des bâtiments habitables est devenu un défi global. Les bâtiments échangent la majorité de la chaleur avec leur environnement sous forme de rayonnement. En adaptant les propriétés optiques de leurs enveloppes pour exploiter le comportement du rayonnement dans notre environnement, nous pouvons contrôler la chaleur dans les bâtiments de manière nouvelle et impactante.»

La chaleur radiante, véhiculée par les ondes électromagnétiques, est omniprésente. Elle est ressentie lorsque la lumière du soleil réchauffe notre peau ou qu’une résistance électrique chauffe une pièce. La régulation de la température des bâtiments par le contrôle de la chaleur radiante est une pratique courante, notamment par l’utilisation de stores pour bloquer la lumière du soleil ou la peinture des toits et des murs en blanc pour réfléchir le rayonnement solaire.

Une approche innovante pour les murs et les fenêtres

Aaswath Raman, professeur associé de science et d’ingénierie des matériaux à l’UCLA, souligne : «Si l’on observe les villes historiques comme Santorin en Grèce ou Jodhpur en Inde, on constate que le refroidissement des bâtiments en faisant réfléchir la lumière du soleil par les toits et les murs est pratiqué depuis des siècles. Ces dernières années, un intérêt considérable a été porté aux revêtements de toiture réfléchissants. Cependant, le refroidissement des murs et des fenêtres représente un défi beaucoup plus subtil et complexe.»

Contrairement aux toits qui ont généralement une vue dégagée sur le ciel, les murs et les fenêtres sont principalement exposés au sol et aux bâtiments voisins. Par temps chaud, ils sont réchauffés par la chaleur rayonnante provenant des rues, des trottoirs et des bâtiments environnants. En période froide, l’environnement terrestre se refroidit, drainant la chaleur des murs et des fenêtres.

Une solution basée sur la différenciation des flux de chaleur

Les chercheurs ont identifié une solution à ce problème en exploitant la différence de comportement de la chaleur entre les bâtiments et le sol d’une part, et entre les bâtiments et le ciel d’autre part. La chaleur radiante se déplace des bâtiments vers le ciel dans une portion étroite du spectre infrarouge appelée fenêtre de transmission atmosphérique, qualifiée de «bande étroite». Au niveau du sol, la chaleur radiante se déplace sur l’ensemble du spectre infrarouge, ce que les chercheurs appellent « large bande ».

Aaswath Mandal explique : «En recouvrant les murs et les fenêtres de matériaux qui ne rayonnent ou n’absorbent la chaleur que dans la fenêtre atmosphérique, nous pouvons réduire le gain de chaleur à large bande provenant du sol en été et la perte en hiver, tout en maintenant l’effet de refroidissement du ciel. Nous pensons que cette idée est sans précédent et va au-delà de ce que les enveloppes traditionnelles de toits et de murs peuvent réaliser.»

L’impact de ces découvertes est significatif pour deux raisons principales. Premièrement, les chercheurs démontrent que de nombreux matériaux de construction courants et peu coûteux rayonnent la chaleur en bande étroite et bloquent la chaleur à large bande. Des matériaux tels que le fluorure de polyvinyle, déjà utilisé comme revêtement, pourraient être adaptés à cet usage, tout comme des plastiques encore plus courants.

«Nous avons été vraiment enthousiasmés lorsque nous avons découvert que des matériaux comme le polypropylène, que nous avons obtenu à partir de plastiques ménagers, rayonnent ou absorbent sélectivement la chaleur dans la fenêtre atmosphérique. Ces matériaux sont presque banals, mais leur caractère commun signifie également que nous pourrions les voir thermoréguler les bâtiments dans un avenir proche.» indique une nouvelle fois le Pr. Raman.

Des économies d’énergie substantielles en perspective

La deuxième raison d’être optimiste réside dans le potentiel d’économies d’énergie à l’échelle des bâtiments. Les chercheurs notent que les économies d’énergie saisonnières réalisées grâce à leur mécanisme sont comparables aux avantages obtenus en peignant les toits foncés en blanc. Cette approche pourrait s’avérer particulièrement utile alors que les coûts de climatisation et les cas de mortalité liés à la chaleur continuent d’augmenter dans le monde entier.

Et de conclure : «Le mécanisme que nous proposons est entièrement passif, ce qui en fait une solution durable pour refroidir et chauffer les bâtiments selon les saisons et générer des économies d’énergie inexploitées. En fait, les avantages des mécanismes et des matériaux que nous présentons sont les plus importants pour les bâtiments dans les pays du Sud. Il pourrait donc s’agir d’une solution plus équitable pour les communautés pauvres en ressources, d’autant plus qu’elles font face à une demande croissante de refroidissement et à une augmentation de la mortalité liée à la chaleur.»

Radiative Cooling and Thermoregulation in the Earth’s Glow, Cell Reports Physical Science (2024). 

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