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L'industrie au secours de la rénovation énergétique

18/07/2020

L'industrie au secours de la rénovation énergétique

Face au manque de données fiables et aux faibles performances des travaux de rénovation énergétique, les industriels de la construction avancent des solutions de massification et de standardisation. Une enquête de l'Usine Nouvelle.

Elle devrait figurer en bonne place dans les plans de relance post-Covid-19 en France et en Europe. La rénovation énergétique des bâtiments coche presque toutes les "cases caractéristiques de ce que ce plan doit être", analyse Hervé de Maistre, le président du comité stratégique de filière des industries de la construction, également président de l’Association française des industries des produits de construction et directeur général de Placoplâtre et Isover.

Rapide à mettre en œuvre par les professionnels du bâtiment, fondée sur de l’emploi local, solidaire avec les plus précaires, en adéquation avec l’ambition de neutralité carbone votée dans la loi énergie-climat, la rénovation énergétique représente déjà un peu plus 15 % du chiffre d’affaires des industriels du secteur.

Son potentiel n’est pas nouveau. Depuis des dizaines d’années, la rénovation des logements fait l’objet de politiques publiques pour réduire la dépendance aux énergies fossiles importées en promouvant l’efficacité énergétique, pour aider les ménages les plus précaires à baisser leur facture d’énergie, et pour lutter contre le réchauffement climatique. La nouvelle feuille de route énergétique française, la PPE, fixe des objectifs à 2023 et  2028, qui devraient permettre au BTP d’atteindre la neutralité carbone en 2050, avec une étape intermédiaire de réduction de ses émissions de 49 % en 2030 par rapport à 2015. Elle fixe, d’ici à 2028, une baisse de 15 % des consommations du secteur et une augmentation de 50 % de la chaleur renouvelable et de la récupération in situ. La consommation d’énergie finale devrait passer de 745 térawattheures (TWh) en 2016 à 712 en 2023 et 636 en 2028. Le rythme annuel dans le résidentiel atteindrait environ 370 000 rénovations complètes en moyenne sur la période 2015-2030. On ferait même déjà mieux. Le chiffre de 380 000 rénovations thermiques en France en 2019 circule.

Meilleure efficacité des travaux globaux

On pourrait croire que le pays est enfin sur la bonne voie pour réduire la consommation d’énergie du bâtiment (45 %) et ses émissions de gaz à effet de serre (27 %). Sauf que, de l’aveu même de la coordinatrice interministérielle chargée du plan de rénovation énergétique des bâtiments, Anne-Lise Deloron, le chiffre de 380 000 rénovations n’est absolument pas consolidé. Il aurait été calculé en additionnant les différentes aides (crédit d’impôt, certificat d’économie d’énergie, prime habiter mieux, éco-prêt à taux zéro…), souvent cumulées pour un même chantier de rénovation. Or, changer des fenêtres, isoler des combles ou changer une chaudière, même pour un équipement beaucoup plus performant, ne fait pas une rénovation énergétique efficace. Elle permet certes aux vendeurs d’énergie d’atteindre plus facilement leurs objectifs de certificats d’économie d’énergie, notamment grâce au mécanisme du coup de pouce, mais au détriment de l’efficacité énergétique des travaux. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), 25 % seulement des rénovations énergétiques des logements réalisées entre 2014 et 2016 ont permis d’améliorer d’une classe le diagnostic de performance énergétique et 5 % de gagner deux classes.

Seule une approche globale, par étapes ou d’un seul coup, permet vraiment de transformer des passoires thermiques en bâtiments basse consommation. Rendre la rénovation globale des logements obligatoire par étapes d’ici à 2040 est d’ailleurs l’une des 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat retenues par le gouvernement. Il faudra motiver les Français, qui lancent des travaux dans leur logement plus pour l’amélioration du confort (52 %) que pour la réduction des factures d’énergie (24 %), selon un récent sondage de ­Cofidis. Il faudra aussi se doter d’outils de mesure efficaces. Or l’Observatoire national de la rénovation énergétique, prévu dans le dernier plan dédié de 2018, n’est toujours pas en place. Les objectifs et les politiques sont encore définis au doigt mouillé plus que sur des données fiables. L’objectif de 500 000 logements à rénover par an ne serait même qu’un "objectif totem" de la loi de transition énergétique et de croissance verte de 2015, selon Anne-Lise Deloron. S’il existe bien un Observatoire national de la précarité énergétique, personne n’est en mesure de valider le chiffre de 7 à 8 millions de passoires thermiques évoqué dans la loi de 2015.

De même pour les bâtiments tertiaires. Le plan de 2018 reprend l’objectif de la loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan), de réduire la consommation énergétique des bâtiments de plus de 1 000 m² de 60 % en 2050, avec des paliers à - 40 % en 2030 et - 50 % en 2040. Un décret dit "tertiaire", publié en juillet 2019, en fixe les modalités, notamment l’interdiction, à terme, des chaudières au fioul. Les bâtiments de l’État se devront d’être exemplaires, avec 15 % d’économies attendues d’ici à cinq ans. Un focus pourrait être fait dans le futur plan de relance du gouvernement, attendu à l’automne, sur les bâtiments de santé publics et privés, qui représentent 12 % de la surface totale des bâtiments tertiaires, soit 980 millions de mètres carrés. Mais là aussi, on manque de précision sur l’état du parc. "Aucune étude n’a été réalisée sur le sujet", reconnaît Thomas Gaudin, économiste à l’Agence de la transition écologique (Ademe). "La vue macro-consolidée du secteur tertiaire n’existe pas", regrette Anne-Lise Deloron. Pour l’obtenir, tous les acteurs du décret tertiaire devront renseigner le nombre de bâtiments concernés et leur état énergétique, à partir de la fin 2020, dans la base de données de l’Observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire (Operat), qui sera gérée par l’Ademe.

Un hackathon et deux projets pilotes

Face à ce manque criant de données, les génies du numérique sont appelés à l’aide. Un hackathon #RenovAction a été organisé du 11 au 22 juin 2020, sous le patronage du ministère de la Transition écologique et solidaire, pour mesurer l’impact des travaux, simplifier le parcours des ménages et caractériser la situation des parcs immobiliers. Les industriels du bâtiment, rassemblés au sein du comité stratégique de filière industries pour la construction (IDC) créé en mai 2018, se sont aussi emparés du sujet. Ils ont placé la rénovation énergétique au cœur du contrat de filière signé avec l’État en juillet 2019. Pour rénover efficacement à l’échelle industrielle, ils ont lancé deux projets pilotes. Le premier, mené avec la Conférence des présidents d’université sur un échantillon de dix sites (600 000 m²), a déjà permis de standardiser les rénovations globales pour un coût de 1 000 euros le mètre carré. Il ne reste plus qu’à obtenir les financements et à généraliser à tout le parc universitaire (16 millions de mètres carrés).

Le second concerne 500 maisons, dans la Métropole du Grand Paris et le Grand Est, dans le cadre du projet Prep (pour parcours de rénovation énergétique performante). Monté en collaboration avec l’Association des maires de France, EDF, Schneider Electric, l’Ademe et l’État, il vise à identifier les besoins en rénovation énergétique, à standardiser les rénovations et à fiabiliser, sur une plate-forme numérique, les parcours de travaux et d’aide des habitants. À charge pour les professionnels de proposer des solutions préfabriquées pour baisser les coûts. Et de se doter de l’outil industriel ad hoc, qui n’existe pas en France, contrairement au nord de l’Europe. Il y a urgence. "Avec les politiques actuelles, la courbe des consommations d’énergie des ménages n’a pas baissé de 1 kilowattheure", observe Hugues Vérité, le délégué général du comité stratégique de filière IDC.

Pour jouer leur rôle dans la course à la neutralité carbone, préfabriquer et développer des solutions toujours plus efficaces thermiquement ne suffira pourtant pas. Les industriels du bâtiment devront aussi calculer l’empreinte carbone réelle de leurs matériaux et équipements, et l’afficher. Ceux de l’énergie, eux, devront accepter que les fiches des certificats d’économie d’énergie prennent en compte l’impact en réduction de CO2 des travaux réalisés. Pour l’instant, aucun n’ose évoquer le sujet. Une autre des propositions de la Convention citoyenne retenue par Emmanuel Macron pourrait les y obliger…

Le jargon des dispositifs d’aide 

Ademe : L’Agence de la transition écologique (ex-Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) gère notamment le réseau Faire et le label RGE.

Anah : L’Agence nationale de l’habitat gère les programmes d’aide à la rénovation, comme MaPrimeRénov.

Térawattheure cumac (TWhc) : Mesure utilisée pour les certificats d’économie d’énergie évaluant les économies théoriques réalisées durant la durée de vie d’un équipement installé lors de travaux d’efficacité énergétique.

Certificat d’économie d’énergie (CEE) : Mécanisme fixant aux vendeurs d’énergie un objectif (530 TWhc par an) d’économies d’énergie chez leurs clients et chez les plus précaires (133 TWhc).

Crédit d’impôt pour la transition énergétique (Cite) Valable pour tous, il a été transformé en prime pour les plus modestes et disparaîtra en janvier 2021.

Coup de pouce : Mécanisme de bonification qui multiplie temporairement la valeur des CEE.

Diagnostic de performance énergétique (DPE) : Note de A à G qui renseigne sur la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment.

Réseau Faire (Faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique) : Réseau fédérant les points conseils de l’Ademe, de l’Anah, de l’Agence nationale pour l’information sur le logement et des collectivités.

MaPrimeRénov : Dispositif d’aide à la rénovation énergétique de l’Anah.

Reconnu garant de l’environnement (RGE) : Label accordé par les pouvoirs publics et l’Ademe à des professionnels du bâtiment et des énergies renouvelables engagés dans une démarche de qualité.

source : L'USINE NOUVELLE





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