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Pourquoi les algues sont le nouvel or vert
25/10/2023
COEURS DE NATURE/AMICE ERWAN/SIPA
Et si les algues, ces mal-aimées qui font irrésistiblement penser aux marées d'ulves qui pourrissent ensuite sur les plages de l'Atlantique, retrouvaient grâce aux yeux de tous ? Le temps semble venu de miser sur ce nouvel or vert, aux innombrables applications, de l’alimentation à l’emballage, de l’agriculture au produits pharmaceutiques.
C’est comme une vaguelette, on n’en est pas au raz-de-marée, qui déferle maintenant en faveur de ces mal-aimées. Et si on les appelait "fleurs de la mer" au lieu d’algues pour éloigner leur mauvaise réputation, comme le suggère Stefan Kraan, ce scientifique néerlandais devenu entrepreneur à la tête d’Ocean Harvest Technology Ltd, aujourd’hui CSO de la Seaweed Company en Irlande? Car le temps semble venu de miser sur ce nouvel or vert, aux innombrables applications, de l’alimentation à l’emballage, de l’agriculture au produits pharmaceutiques.
A l’instar d’une cinquantaine d’intervenants du monde entier, dont la directrice à la politique maritime et à l’économie bleue de la Commission européenne, Kraan avait tenu à être présent au "1er sommet européen de sensibilisation aux algues", qui s’est tenu pendant trois jours début octobre à la Maison de l’Océan à Paris. Seaweed, herbe de mer, légume de mer… on n’obligera personne à retenir la savoureuse expression gaélique de "blahin na mara vanina", où il est justement question de fleurs dans l’océan… Que cette mariculture sorte de son invisibilité – du moins en France qui affiche seulement 0,1% de la production dans le monde – tel est l’enjeu actuel, sachant que la plateforme européenne EU4Algae compte déjà plus de 840 acteurs dans ce secteur (dans et hors UE).
Ecosystème de start-up
Les connaissances scientifiques permettent de saisir l’importance du sujet "algues". La disparition des forêts sous la surface de l’océan serait une catastrophe pour le climat. Certaines espèces peuvent en effet éliminer le CO2 jusqu’à cinq fois plus vite que les plantes terrestres. Les scientifiques français le savent bien, dont on peut remarquer qu’ils sont à la pointe de la recherche dans le domaine. Aussi Philippe Potin, un des biologistes marins les plus respectés sur la planète, responsable scientifique de la première coalition mondiale sur les algues, la "Safe seaweed coalition" basée à la station biologique de Roscoff (CNRS, Sorbonne Université), ne cesse-t-il de rappeler au grand public l’importance écologique cruciale de ses plantes favorites: "les grandes algues brunes sont des clés de voûte, à la base des communautés marines, associées à de véritables oasis sous-marines".
On se réjouit de voir qu’autour de Roscoff, avec l’incubateur Emergys Bretagne, émerge actuellement un nouvel écosystème de start-up, dont certaines telle Maari, co-fondée par Emeline Creis et Bertrand Jacquemin, misent sur l’algue. A l’origine chercheurs fondamentaux, ces deux nouveaux entrepreneurs se sont rendu compte que tout développement (cosmétiques, agroalimentaire…) n’allait pas pouvoir se fonder sur la seule collecte de ressources naturelles. Il s’agit désormais pour eux de sélectionner les meilleures souches, et de sécuriser cette ressource qu’ils fourniront à des fermes aquacoles. Maître mot, durabilité. Car il y a encore beaucoup à apprendre sur la culture des algues des côtes françaises.
Comment d’une crise faire une opportunité?
Problème, ces dernières continuent cependant de faire irrésistiblement penser aux marées d’ulves, ces algues vertes pourrissant dans les baies ou sur les plages de l’Atlantique. Les gaz malodorants éloignent tout baigneur, pire, font même craindre l’empoisonnement du promeneur. Comment d’une crise faire une opportunité? En Asie, et tout particulièrement en Chine, où les fermes marines se comptent en dizaines de millions de km2, on récupère maintenant les algues qui iraient vers une dégradation intempestive. Objectif recyclage, afin d’extraire les éléments chimiques réutilisables qu’elles capturent, tout particulièrement les phosphates.
Lors du sommet d’octobre, Vincent Doumeizel, directeur agro-alimentaire à la Fondation Lloyd’s Register, auteur de l’ouvrage La révolution des algues, n’a pas manqué de faire remarquer que dans l’Union européenne "tous les ans, 5 millions de tonnes d’azote sont reversés et perdus dans les océans". D’où l’eutrophisation des écosystèmes. Réduire cette pollution est un objectif majeur, d’ici qu’il soit atteint, autant instaurer un système de récolte efficace avant pourrissement, d’autant qu’il pourrait aussi se révéler rentable…
Des plantes hyperprotéinées
Serait-ce dans l’assiette que les fleurs de mer pourraient finalement conquérir le cœur des Français? Les adeptes de restaurants japonais en ont déjà l’expérience, qu’elles s’appellent wakamé, kombu ou nori. Reste à les adapter à la sauce tricolore. Certains chefs, comme Julie Desnoulez qui a publié l’année dernière son livre 60 recettes gourmandes et idées pour faire le plein d’énergie, plongent dans cette nouvelle cuisine. On l’approuve quand elle répète, comme aux enfants, "qu’il faut goûter avant de dire ‘’je n’aime pas’’". Elle assure, c’est à vérifier, que pour la cuisine quotidienne, c’est plus simple que les carottes râpées… On retiendra, à l’heure de la quête d’une nutrition de qualité, que ces plantes sont hyperprotéinées. Le haricot de mer, débordant de magnésium et d’oméga 3 n’est-il pas surnommé l’algue du sportif? Après avoir testé au Forum d’octobre le nori de chez Combo, un tout récent restaurant-take away dont le jeune fondateur Armand Lasseur veut "rendre l’algue sexy", on y a trouvé un goût de revenez-y.