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A quoi servent l'Ademe et ses "quatre milliards d'euros" de budget, ciblés par Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et Gérard Larcher ?
17/01/2025

Un stand de l'Ademe au salon Batimat, à Paris, le 30 septembre 2024. (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)
Alors que le gouvernement planche sur le budget 2025, ces ténors de la droite demandent la suppression de l'Agence de la transition écologique, dont ils questionnent l'utilité et le coût. Les missions exercées par celle-ci, au service des collectivités locales notamment, sont pourtant bien réelles.
"Depuis quinze jours, c'est la chasse à l'Ademe", s'est inquiété Marc Fesneau, le patron des députés du MoDem, mercredi 15 janvier sur France Inter(Nouvelle fenêtre). A l'heure où la classe politique traque les économies, la droite a en effet placé l'Agence de la transition écologique dans son viseur. Mardi, à l'Assemblée nationale, le président du groupe Les Républicains, Laurent Wauquiez, l'a citée dans une liste d'agences dont il a fustigé l'"utilité douteuse" et le "coût bien réel". "Non seulement ces organismes coûtent cher, mais (...) ils sont à l'origine des normes qui épuisent notre pays et ils aboutissent à déposséder le politique de la décision", a-t-il asséné en réponse à la déclaration de politique générale du Premier ministre François Bayrou.
Avant lui, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, avait mis en avant l'Ademe, ses "plus de 4 milliards de budget" et ses "près de 1 100 équivalents temps plein" au moment de réclamer "des actes concrets" pour réduire la dépense publique, "notamment sur les agences de l'Etat et la simplification", samedi dans Le Parisien(Nouvelle fenêtre). "Le problème, c'est que quasiment tous les projets financés par l'Ademe le sont aussi par la Banque des territoires et par les régions", avait asséné la présidente LR de l'Ile-de-France, Valérie Pécresse, lundi sur France Inter(Nouvelle fenêtre). "Ça veut dire qu'il y a trois administrations qui planchent sur les mêmes projets, qu'on fait trois fois l'instruction", avait-elle continué, défendant une "suppression" de l'agence et le transfert de son budget aux régions.
Des discours qui rappellent la proposition de loi(Nouvelle fenêtre) déposée en octobre par le Rassemblement national, envisageant "à moyen terme, de réinternaliser, en administration centrale, les missions de l'Ademe et de supprimer cette agence".
"L'investissement écologique est le meilleur qui soit"
Ces critiques visant l'établissement public, placé sous la tutelle du ministère de la Transition écologique notamment, ont rapidement été qualifiées de "simplistes" par la ministre en question, Agnès Pannier-Runacher. "Cet acharnement sur des agents publics qui se lèvent chaque matin pour le service public est inacceptable", a-t-elle dénoncé sur les réseaux sociaux. Une réaction qui fait écho à celle des salariés de l'agence : "On est chacun très investi sur ces sujets ! Ce type d'attaque est vraiment difficile à vivre. Ça jette le discrédit, comme si les collègues faisaient un travail superflu", dénonce auprès de franceinfo une représentante du personnel du Syndicat national de l'environnement (SNE), qui représente les agents publics œuvrant dans ce domaine.
Agnès Pannier-Runacher
Députée de la 2ème circonscription du Pas-de-Calais | Ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche.
Stop à la caricature !
Depuis plusieurs mois, je vois fleurir des critiques simplistes sur les opérateurs de l’Etat et en particulier l’ADEME.
Un prétendu gaspillage d’argent public et un supposé symbole de bureaucratie.
Quelques éléments qui me paraissent essentiels à avoir en tête, face à ces attaques teintées de populisme et de démagogie :
Sur les 3,5 milliards d’euros de budget annuel de l’ADEME, 92% financent directement des projets de décarbonation de nos communes et de nos entreprises : des projets de réseaux de chaleur, de meilleure prise en charge des déchets, de changement de chaudière dans des sites industriels, et j’en passe.
Parmi ses personnels, près de 700 sont en appui de mairies ou de collectivités locales pour des missions précises sur la transition écologique.
Les dépenses de fonctionnement hors personnel de l’ADEME c’est… 25 millions d’euros ! Voilà la réalité des enjeux !
Je n’ai pas de tabou : utiliser au mieux l’argent public et demander des efforts à nos équipes en ce sens, c’est une évidence et nous y travaillons chaque jour.
Mais cet acharnement sur des agents publics qui se lèvent chaque matin pour le service public est inacceptable !
"On a au contraire plus que jamais besoin de l'Ademe, dans un contexte budgétaire tendu. L'investissement écologique est le meilleur investissement qui soit", a commenté sur LinkedIn(Nouvelle fenêtre) le directeur de l'Institut de l'économie pour le climat, Benoît Leguet, partageant le constat du Giec selon lequel "le coût de l'action est moins important que celui de l'inaction". "Supprimer l'Ademe, c'est mettre en risque la transition vers une économie décarbonée et adaptée aux changements climatiques. Pour le dire différemment, renoncer à notre sécurité énergétique et à la résilience de nos entreprises et de nos territoires", a complété celui qui fait partie des administrateurs de l'agence.
Décarbonation de l'industrie, déploiement des énergies renouvelables, transition vers des mobilités décarbonées, recyclage, rénovation des bâtiments... L'Ademe accompagne en effet des entreprises, des citoyens ou encore des collectivités dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique. Ces dernières semaines, l'Etat(Nouvelle fenêtre) a par exemple lancé un dispositif de soutien public à la décarbonation de l'industrie piloté par l'Ademe.
"On ne doublonne jamais"
"On fournit des outils, de l'expertise, avec notamment 150 chercheurs et 500 ingénieurs, en suivant une méthodologie scientifique pour opérer la transition", détaille auprès de franceinfo le PDG de l'Ademe, Sylvain Waserman. Une expertise environnementale largement saluée, selon un rapport(Nouvelle fenêtre) de l'Inspection générale des finances (IGF) datant d'avril 2023. "L'agence est identifiée par tous les acteurs par son expertise et la technicité de ses équipes pour développer des dispositifs contribuant à la transition écologique", peut-on lire. Un élément crucial "dans le champ de la transition écologique, éminemment technique, afin d'éviter les contre-références".
L'agence met aussi en avant la complémentarité entre l'expertise des équipes nationales "qui inventent les méthodologies" et celles, régionales, "qui vont les déployer sur le terrain", décrit Sylvain Waserman. "Pour l'instruction technique, les autres partenaires s'appuient très souvent sur l'Ademe. Et de manière générale, on ne doublonne jamais", ajoute quant à elle la représentante du personnel SNE en réponse aux critiques de Valérie Pécresse. "Oui, on travaille avec de nombreux organismes, mais les projets ne sont pas financés partout par les régions ou la Banque des territoires, loin de là. C'est une contre-vérité."
Répartir les agents de l'Ademe dans ces autres administrations, comme le propose la présidente de la région Ile-de-France pour réduire les coûts, "ne se ferait pas aussi facilement qu'elle le laisse entendre", glisse également une source syndicale de la CFDT Ademe à franceinfo, car "l'Ademe est constituée à 98% de salariés de droit privé et 2% de fonctionnaires".
Un budget dont l'essentiel va "directement aux territoires"
Le chiffre de quatre milliards d'euros avancé par Gérard Larcher correspond bien, lui, au budget prévisionnel de 4,2 milliards adopté par l'agence(Nouvelle fenêtre) fin 2023 pour l'année 2024. "Non, l'Ademe ne 'dépense pas 4 milliards d'euros'", insiste pourtant sur X(Nouvelle fenêtre) Nicolas Goldberg, expert de l'énergie chez Colombus Consulting. Sur le budget effectif de l'agence en 2024, qui était de 3,4 milliards selon son PDG Sylvain Waserman, "92% vont directement aux territoires et 8% [aux] frais de fonctionnement, les gens qui y travaillent, [les] loyers, [les] travaux de recherche", souligne-t-il.
Le budget comprend donc majoritairement des subventions reversées à d'autres acteurs, comme les 800 millions d'euros du fonds chaleur, qui soutient la production renouvelable de chaleur dans les collectivités locales et les entreprises. Ou "1,7 milliard d'euros" du plan France 2030, pour lequel l'Ademe "instruit les dossiers, contractualise, mais l'Etat décide ce qui est financé", souligne Sylvain Waserman.
"On a l'impression que ces 3,4 milliards, c'est de l'argent que l'Ademe dépense. Ce n'est pas le cas. Les entreprises n'ont jamais eu autant besoin de l'Etat qu'aujourd'hui, dans l'accompagnement à la décarbonation. C'est vrai pour les territoires aussi."
Sylvain Waserman, PDG de l'Ademe à franceinfo
Le patron de l'Ademe comprend toutefois que son agence attire l'attention. "Jamais l'effort de l'Etat sur la transition écologique n'a été plus important. Le budget de l'Ademe, il y a trois ans, c'était un milliard. Il est logique que ça attire l'attention au moment où l'argent public est très rare."
Sur LinkedIn, Sylvain Waserman assure que l'Ademe a participé à l'effort global. "Nous avons déjà programmé un effort budgétaire significatif de -210 millions d'euros, avec une réduction de 38% sur nos fonds propres", écrit-il. Il ajoute que des évaluations des finances de l'Ademe ont été réalisées. "En avril 2024, on a eu quatre mois d'audit de l'Inspection générale des finances, qui a déclaré que l'Ademe était bien gérée. Elle préconisait même une hausse des effectifs", se félicite-t-il. Dans son précédent rapport, l'IGF invitait déjà "à faire de l'Ademe le maître d'ouvrage privilégié des aides à la transition écologique des entreprises". A contre-courant des critiques actuelles. Qui visent, en sous-texte, l'objectif de transition écologique en général, estime la représentante du personnel SNE : "Est-ce qu'on continue à financer la transition ? Elle est ici, visiblement, la question."