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Après la COP29, François Gemenne : «je suis surtout fâché»
07/12/2024
François Gemenne milite pour des investissements privés dérisqués dans les pays du Sud. © JOEL SAGET / AFP
La COP29 s’est achevée dimanche 24 novembre à Bakou sur un sentiment général d’échec. Les pays en développement réclamaient 1300 milliards de dollars, ils en eu 300 ce qui a provoqué leur colère. Surtout, les pays du Golfe et la Chine continuent à refuser de se ranger du côté des pays du Nord pour mieux éviter de participer au financement. Le chercheur François Gemenne rappelle que ce financement est prévu pour 2035, alors qu’il a déjà été difficile d’atteindre l’objectif précédent de 100 milliards (avec deux ans de retard). Cette COP29 a aussi été marquée par l’absence d’avancées sur l’adaptation et le recul sur les énergies fossiles. Les yeux sont maintenant tournés vers le Brésil où aura lieu la COP30 du 10 au 21 novembre 2025 à Belém en Amazonie. Bilan et perspectives avec François Gemenne.
L'Usine Nouvelle - J’imagine que vous êtes déçu par les résultats de la COP29 ?
François Gemenne - Je suis surtout fâché. Je pense qu’il ne pouvait pas en être autrement. On a commis l’erreur d’organiser la COP autour de la question des financements des pays du sud. Des fonds prévus pour 2035 sont quelque chose d’uniquement symbolique. Les enjeux de lutte Nord-Sud ne nous permettent pas de faire baisser concrètement les températures de -1°C. Nous avons assisté à des discussions de marchands de tapis avec des plans sur la comète. Il aurait été préférable de débloquer 10 milliards de dollars tout de suite et voir comment mobiliser le secteur privé, plutôt que de signer un mauvais accord sur 300 milliards à l’horizon 2035.
En désignant Bakou pour la COP29, n’était-ce pas chronique d’un échec annoncé ?
Le choix de Bakou était très hasardeux. Il faut organiser les COP dans des démocraties. J’étais plutôt d’accord avec le choix de Dubaï et nous avons obtenu un accord acceptable, mais à Bakou, non seulement ce régime autoritaire dépend du pétrole et du gaz, mais il n’a aucune expérience des négociations. Et les COP qui réussissent sont préparées longtemps à l’avance comme la COP21 à Paris. Or l’Azerbaïdjan a été désigné beaucoup trop tardivement.
Que pensez-vous de la position française durant le sommet de Bakou ?
La position française a été correcte et honnête. Je comprends tout à fait que le Président de la République et la ministre de la Transition écologique aient refusé de se rendre à Bakou. Et la France fait plutôt partie des bons élèves.
Ces négociations ont été tendues pour arriver à un compromis qui ne satisfait personne ?
J’ai l’impression que les pays du Sud sont fortement influencées par les ONG sur la justice climatique et que leur but est de faire plier les pays occidentaux. On ne pourra jamais compenser totalement l’injustice climatique. Il faut penser à la réconciliation.
Comment faciliter les investissements dans la transition énergétique des pays du Sud ?
L’enjeu est de mobiliser le secteur privé pour la transition énergétique dans les pays du Sud. Aucun assureur ne veut prendre de risques. Aujourd’hui, il y a plus de panneaux solaires en Belgique que sur tout le continent africain. Les investissements ne sont pas assurés car le contexte économique et politique est instable. Il faut donc doper les investissements privés et les dérisquer. Et pour l’adaptation, il faut des fonds publics.
Sur les énergies fossiles, cette COP est également un échec ?
Oui, nous avons régressé. La COP28 avait abouti à un accord contre une promesse de financement pour sortir des fossiles et les pays du Sud n’ont pas voulu se réengager face à l’absence de financements. Alors que les COP26, 27 et 28 avaient permis d’avancer sur ce sujet… J’espérais voir émerger des de financements innovants, plutôt que des montants symboliques.
Il y a tout de même les avancées sur les crédits carbone ? Certains parlent d’un accord historique ?
Cet accord avait été négocié avant la COP et annoncé le premier jour à Bakou. C’est un peu technique.
Au final, que retenez-vous de positif dans ces deux semaines à Bakou ?
Un mauvais accord est préférable à pas d’accord du tout, car on maintient les pays autour de la table. Mais lors des prochaines COP, il faudra être plus pragmatique et ne pas négocier sur des chimères. Les Brésiliens préparent depuis longtemps la prochaine COP qui sera surtout consacrée à la déforestation et l‘agriculture.
L’élection de Donald Trump ne risque-t-elle pas de porter un coup sévère aux COP ?
Il existe le risque d’un effet domino avec d’autres pays comme la Hongrie ou la Russie qui pourraient sortir de l’Accord de Paris.
Pour limiter le réchauffement climatique, les Etats doivent revoir leurs ambitions. Que peut-on en attendre ? Et est-ce que le gouvernement français ne donne pas de mauvais signaux en remettant en cause certaines mesures comme l’artificialisation des sols ?
C’est certain que les atermoiements du gouvernement ont un impact négatif alors qu’il faut un signal clair sur le long terme. Quant aux NDC [contributions déterminées au niveau national] de chaque pays, elles doivent être présentées en février. Comment les pays du Sud vont revoir leurs ambitions à la hausse alors qu’ils n‘ont pas obtenu les financements à Bakou ?