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Pourquoi la réduction des émissions de méthane devrait être une priorité, avant même le CO2

16/08/2021

Pourquoi la réduction des émissions de méthane devrait être une priorité, avant même le CO2

Industrie des énergies fossiles, agriculture et décharges sont les principales sources de production de méthane par l'homme. © Pixabay  

Deuxième gaz à effet de serre le plus émis dans le monde après le CO2, le méthane est source d'inquiétude dans le dernier rapport du Giec. Pourtant la réduction de ses émissions pourrait marquer la première étape significative dans la lutte contre le réchauffement climatique à court et moyen terme.

A trop se focaliser sur la réduction des émissions de CO2, on en oublierait presque les autres gaz à effet de serre...Comme le méthane, dont la concentration a atteint des niveaux qui n'avaient pas été aussi élevées depuis au moins 800 000 ans, détaille le Giec dans son sixième rapport d'évaluation, le 9 août. Le groupe d'experts sur le climat estime d'ailleurs que des restrictions strictes sur le méthane sont nécessaires pour freiner le réchauffement climatique. En effet, limiter les émissions de méthane est possible et permettrait d'impacter le réchauffement climatique à court et moyen termes.

Le méthane est issu de la décomposition de la matière organique. "Ces émissions contribuent environ à 25% du réchauffement climatique, ce qui est loin d'être négligeable", détaille Marielle Saunois, chercheuse au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE) et spécialiste de cet hydrocarbure. Ce gaz est moins présent naturellement et moins émis que le CO2, mais "il a un impact radiatif plus important" : une molécule de méthane est plus polluante qu'une molécule de CO2. Autre différence, le méthane a une durée de vie relativement faible, une dizaine d'années environ. Ainsi, avec des actions rapides, les retombées pourraient se faire ressentir "dans les prochaines décennies".

Eviter 255 000 morts par an

"En moyenne, dans le monde, 60% des émissions de méthane sont d'origine anthropique", poursuit la scientifique. Le rapport du programme pour l'environnement de l'ONU (Unep), publié en mai 2021, pointe trois filières responsables de la majeure partie de la production de ce gaz. En tête, l'agriculture, avec 40% des émissions anthropiques, suivie des énergies fossiles à 35% et des décharges à 20%. Le rapport estime aussi possible de réduire de 45% les émissions de méthane d'origine humaine d’ici à 2030. En plus de d'éviter un réchauffement de 0,3°C à l'horizon 2040, "chaque année 255 000 morts prématurées" ou encore "26 millions de tonnes de récoltes perdues" pourraient être préservées.

Elevage et rizicultures en cause

"Dans le secteur de l'agriculture, les émissions sont en particulier dues à l'élevage des ruminants et la gestion des fumiers", précise la chercheuse. Cependant, la riziculture représente aussi un cinquième des émissions de ce secteur, le format d'inondation continuelle favorisant la décomposition de la matière organique. Le rapport de l'Unep estime que trois changements comportementaux permettent de réduire significativement les productions de ce secteur : la réduction de la perte et du gaspillage de la nourriture, l'amélioration de la gestion du bétail, et l'adoption de nouvelles diététiques comprenant moins de viande et de produits laitiers.

Energies fossiles dans le viseur

Si les leviers d'action semblent limités pour l'agriculture, la production de méthane étant consubstantielle à cette activité, ce n'est pas le cas du secteur des énergies fossiles. Les industries du pétrole, gaz et charbon ont "le meilleur potentiel de limitation de la production de méthane d’ici à 2030", peut-on lire dans les lignes du rapport de l'Unep. "C'est en premier lieu aux industriels d'agir, notamment en détectant et limitant les fuites de gaz lors de l'extraction, du transport et de l'exploitation de ces matières premières", renchérit Marielle Saunois. D'autres solutions techniques s'offrent aussi sur le matériel utilisé pendant les forages, l'inondation de mines inutilisées et la gestion de la demande et de l'utilisation de l'énergie, par exemple. L'Unep indique que jusqu'à 80%, pour le gaz et le pétrole, et 98%, pour le charbon, des mesures implémentables pourraient se faire à bas coûts, voire à des coûts négatifs.

Et les industriels s'engagent dans des actions pour lutter contre la production de méthane. Comme avec l'Oil and Gas Climate Initiative, un consortium d'entreprises pétrolières et gazières, comprenant notamment TotalEnergies, BP ou Shell, qui a lancé un programme de réduction du méthane. Une prise de position encore ineffective, mais soulignée par la chercheuse. "Il y a des solutions qui sont là, connues depuis des dizaines d'années, il est temps d'agir", récapitule-t-elle.

Quant aux décharges, les mesures promues par l'Unep vont dans le sens du recyclage et contre l'enfouissement des déchets organiques, produits du processus naturel de méthanisation. Aussi la collecte du méthane pour sa réutilisation est envisagée, comme dans le cas de l'industrie fossile. Marielle Saunois prend pour exemple "le biométhane, qui est produit à partir de valorisation de déchets organiques de l'agriculture ou des collectivités". Ici encore, il y des problématiques liées à des fuites, l'entretien, la maintenance et la réglementation qui entoure cette réutilisation.

Contrer les hausses naturelles

Il faut rappeler que l'homme n'est pas le seul responsable de la production de ce gaz. La production du méthane est liée à la décomposition de matière organique et est donc plus forte dans les zones humides. Le réchauffement climatique peut donc avoir un effet sur celle-ci, en augmentant potentiellement l'étendue de ces territoires. "Si le réchauffement climatique continue, il pourrait y avoir une hausse des émissions liées à la fonte du permafrost, par exemple, explique Marielle Saunois. Il contient beaucoup de matière organique et de gaz emprisonné qui pourraient augmenter les émissions de méthane."

"Le méthane peut permettre dans les premières décennies, d'enclencher une diminution des gaz à effets de serre", estime la scientifique. Pour elle, les conclusions du Giec étaient assez prévisibles, suivant les tendances précédentes. "Il n'y avait pas de raisons miracle pour lesquelles les gaz à effets de serre dans l'atmosphère se stabiliseraient ou diminueraient. La solution vient des actions pour la limitation des émissions de gaz à effet de serre, qui ne sont pas assez effectives et qui doivent accélérer." Commencer par le méthane, avant de s'attaquer au CO2.

www.usinenouvelle.com

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