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Un plan de résilience pour faire face au manque d'eau dans les Pyrénées-Orientales

01/06/2024

Un plan de résilience pour faire face au manque d'eau dans les Pyrénées-Orientales

© X - ministère de la Transition écologique

Un plan de résilience spécifique aux Pyrénées-Orientales afin d'affronter la sécheresse a été présenté par Christophe Béchu, mercredi 22 mai 2024. Le département doit servir de laboratoire d'expérimentation pour une adaptation au changement climatique.

Cinq pistes pour répondre à la situation de forte tension sur l'eau dans les Pyrénées-Orientales : c'est ce que propose le plan de résilience présenté par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, mercredi 22 mai à l'occasion d'un déplacement dans le département. Cette déclinaison du Plan eau national a été rendue nécessaire par le contexte particulier qui y sévit. Les Pyrénées-Orientales sont en effet confrontés depuis deux ans à un déficit de pluies, entraînant des cours d'eau à sec, des nappes à des niveaux historiquement bas et un déficit d'eau pouvant atteindre 90 % dans les sols. Cette situation met à mal les différents usages, dont l'approvisionnement en eau potable et l'agriculture. « Sur les 226 communes, 50 sont aujourd'hui sous surveillance renforcée, a ainsi détaillé le ministre de la Transition écologique. J'ai une pensée particulière pour les 12 d'entre elles qui sont d'ores et déjà privées d'eau potable de manière totale ou partielle. »

Mieux connaître les volumes prélevés

Le premier axe du plan vise une meilleure connaissance et une meilleure gestion de la ressource. Pour cela, des compteurs équipés de la télérelève, afin de mieux suivre les prélèvements d'eau, seront installés et des canaux d'irrigation seront instrumentés pour mesurer les débits et les volumes transportés. Les données seront diffusées dans le cadre d'un observatoire de l'eau. Par ailleurs, une stratégie sera bâtie pour définir une trajectoire d'économies d'eau par usage et d'adaptation de l'économie locale au changement climatique à l'horizon 2030.

Réduire les prélèvements

Nous ne pouvons pas continuer à ouvrir des forages ou à forer sans autorisation et sans vision objective qui nous permette de partager l'eau ” - Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique

Le second pilier du plan reposera sur l'action sur les besoins en eau. Notamment à travers la sensibilisation, avec par exemple des travaux sectoriels sur les économies possibles et des formations sur les savoir-faire innovants. « Nous devons régulariser des forages, qui pour un certain nombre sont historiques et se sont montés au fur et à mesure, pointe Christophe Béchu. Nous ne pouvons pas continuer à ouvrir des forages ou à forer sans autorisation et sans vision objective qui nous permette de partager l'eau. » L'interdiction des forages sera maintenue tant que la régularisation de ces ouvrages n'est pas terminée. Les autorisations existantes seront mises en cohérence pour assurer le retour à l'équilibre quantitatif.

Par ailleurs, la lutte contre les fuites va se poursuivre. « Au 1er janvier de cette année, neuf communes avaient encore un taux de fuites supérieur à 50 % ; elles étaient 13, il y a un an, a détaillé le ministre. Le taux de fuites global à l'échelle du département est au-dessus de la moyenne nationale et nous devons continuer à avancer là-dessus. Dans les communes qui rencontrent des difficultés d'approvisionnement en eau potable, ce taux est en moyenne supérieur à 35 %, avec des impacts lourds. » Par ailleurs, les canaux d'irrigation vétustes seront modernisés.

10 millions d'euros apportés à 7 projets

Le troisième axe du plan s'intéresse à la disponibilité de la ressource. Une des mesures phares consiste à soutenir financièrement sept projets « structurants et sans regrets » à hauteur d'« au moins » 50 % pour faciliter leur mise en œuvre. Un budget de 10 millions d'euros, dégagé par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, sera apporté en cofinancement nouveau dans cette optique. Ainsi, trois projets de réutilisation des eaux usées épurées seront lancés à Argelès (irrigation agricole), à Saint-Cyprien (usages urbains et agricoles) et au Canet-en-Roussillon (usages urbains et agricoles).

« La profession agricole attend, en particulier où elle souffre le plus, la vallée de l'Agly, le projet structurant que constitue la sécurisation et l'alimentation des réseaux d'irrigation de l'Agly aval, a indiqué Christophe Béchu. C'est le premier projet sur lequel nous nous engageons. »


L'agriculture, plus gros préleveur d'eau dans le département

© Ministère de la Transition écologique

Un autre projet consiste à installer la télégestion à la parcelle sur le canal de Corbère, afin de mieux allouer les enveloppes de volumes d'eau aux arboriculteurs installés. Les deux derniers projets s'attacheront, pour l'un, à améliorer le fonctionnement du canal de Perpignan, qui irrigue près de 3 000 hectares agricoles, pour l'autre, à rénover les réseaux d'eau fuyards à Ille-sur-Têt. « Le ministère de l'Agriculture, Marc Feysneau, va mettre les moyens du Fonds hydraulique agricole pour qu'on puisse relayer et amplifier une partie des projets, a complété Christophe Béchu. La Caisse des dépôts va mettre à la disposition des Pyrénées-Orientales des Aqua Prêts. »

D'autres projets sont envisagés à plus longue échéance, comme des études de sécurisation des usages de l'eau sur le territoire de la Têt aval (les pistes sont une valorisation des eaux traitées de la station d'épuration de Perpignan ou la création d'un adducteur pour le remplissage de la retenue de Villeneuve-de-la-Raho) ; la création d'un réseau d'irrigation dans les Aspres en cours d'instruction (pour un usage agricole et la sécurité incendie) ; l'extension du projet Aqua Domitia. « Aqua Domitia, pour lequel nous avons officialisé notre soutien aux études conduites par la Région, avec l'objectif qu'elles soient terminées pour la fin de l'année 2025, a expliqué Christophe Béchu. L'ambition, c'est potentiellement jusqu'à 1,5 milliard d'euros de travaux pour amener l'eau du Rhône, ce qui explique qu'il faut un peu plus de temps pour appuyer sur le bouton. »

Un regroupement encouragé et une gouvernance revue

1,5 milliard d'eurosC'est le montant qui est envisagé pour la réalisation du projet d'extension d'Aqua Domitia, qui vise à amener l'eau du Rhône jusque dans les Pyrénées-Orientales.

Le quatrième pan va s'attaquer à la révision de la gouvernance. Le Gouvernement souhaite accélérer le transfert de la compétence « alimentation en eau potable » vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). « La moitié des communes des Pyrénées-Orientales sont isolées ou organisées dans des petits syndicats intercommunaux : c'est clairement un facteur de fragilité, a estimé le ministre. Nous devons avoir des regroupements, de la mutualisation : c'est ce qui permet que les investissements que nous faisons soient les plus efficaces et utiles. » De la même manière, les 200 associations syndicales autorisées (Asa) du département seront structurées dans une logique de mutualisation d'organismes uniques de gestion collective (OUGC) pour les canaux et les eaux souterraines.

Le Gouvernement appelle également à une hausse du prix départemental de l'eau. « Il y a une corrélation entre le fait que nous ayons globalement moins de travaux qu'ailleurs et un prix moyen départemental qui est 25 % inférieur à la moyenne nationale », a pointé Christophe Béchu.

Par ailleurs, une directrice « plan de résilience », Christine Portero-Espert, assurera le suivi, l'animation et la poursuite de la discussion aux côtés du préfet.

Le dernier axe se consacrera à une réponse immédiate aux crises, avec des tests prévus du plan Orsec, la mise en œuvre d'une stratégie de contrôle du respect des restrictions ou la convocation régulière d'un comité de ressource pour suivre l'évolution de la situation et acter les mesures de restrictions.

« Le plan de résilience a deux vocations : l'une est d'apporter des solutions qui soient les plus pertinentes et les plus durables possibles, l'autre de faire que nous ayons une sorte de démonstrateur des processus et des solutions d'adaptation, a indiqué le ministre. Car ce que vous vivez, c'est globalement ce qui nous attend, c'est-à-dire des températures qui augmentent, la part de l'eau qui est absorbée par la végétation et la part d'évapotranspiration qui augmentent aussi, tandis que l'eau disponible pour les activités humaines diminue. »

Dorothée Laperche / actu-environnement


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