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Objectif ZAN : les stratégies régionales sous la menace de contentieux

14/03/2024

Objectif ZAN : les stratégies régionales sous la menace de contentieux

Chaque année, plus de 20 000 hectares sont artificialisés en France métropolitaine.    © tangofox

Les conseils régionaux ont déjà entamé la déclinaison territoriale de leur objectif de sobriété foncière d'ici à 2050, selon France Stratégie. Mais face à des méthodologies encore imprécises, elles s'exposent à des conflits potentiels.

Pour atteindre l'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols à l'horizon 2050, créé par la loi Climat et résilience du 22 août 2021, les collectivités vont devoir diviser par deux leur consommation d'espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf) entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente. La loi publiée le 21 juillet 2023 précise les modalités d'atteinte de cet objectif et cherche à surmonter les difficultés de son application rencontrées dans les territoires de même que les trois décrets d'application.

Où en sont les collectivités sur cette question ? À travers deux notes d'analyse publiées en novembre dernier, France Stratégie a cherché à comprendre où intervient l'artificialisation et pourquoi, tout en évaluant les stratégies régionales mises en œuvre avant l'été 2023.

La construction de logements, principal facteur d'artificialisation

Sachant que chaque année, plus de 20 000 hectares sont artificialisés en France métropolitaine, soit l'équivalent de la ville de Marseille, « arriver au ZAN en 2050 est déjà un énorme progrès. La division par deux de l'artificialisation en 2031 réinterroge nos façons d'habiter, d'urbaniser et de consommer des espaces naturels, agricoles et forestiers », constate Hélène Arambourou, adjointe au directeur du département développement durable et numérique à France Stratégie, lors d'une table-ronde organisée le 7 mars.

Selon le premier bilan pointé par les chercheuses de France Stratégie, c'est bien l'habitat qui a tiré durant la dernière décennie l'artificialisation des sols  (1) sur le national. Entre 2011 et 2021, plus de 60 % de la consommation d'espaces sont en effet liés à la construction de logements. Ensuite, vient la construction des zones d'activités économiques et des zones commerciales qui représente un peu plus de 20 % de ce flux, tandis que l'infrastructure ferroviaire et routière constitue environ 7 % du flux d'artificialisation.

La division par deux de l'artificialisation en 2031 réinterroge nos façons d'habiter, d'urbaniser et de consommer des espaces naturels, agricoles et forestiers ” - Hélène Arambourou, France Stratégie

« Quand on donne ces chiffres au niveau national, ça ne dit pas grand-chose car on constate que si les infrastructures ou les zones d'activités constituent des flux relativement faibles, comparés au flux du logement, ces projets peuvent constituer localement des emprises au sol très importantes. Et là, ils peuvent donc peser dans l'artificialisation des sols. D'où la nécessité d'étudier ce phénomène à cette échelle », souligne Hélène Arambourou.

Forte hétérogénéité territoriale de la consommation d'espaces

France Stratégie relève également la grande hétérogénéité territoriale de la consommation d'espaces sur les dix dernières années. Les territoires entourant les métropoles ou sur le littoral atlantique sont par exemple beaucoup plus consommateurs d'espaces, mais ils concentrent également plus de ménages et plus d'emplois.

De même, les territoires qui ont beaucoup consommé d'espaces, mais de manière « peu efficace » en matière d'accueil des ménages et d'emplois, « sont peu nombreux et ne représentent que 6 % des intercommunalités en France. Ils sont disséminés sur l'ensemble du territoire », indique Coline Bouvart, cheffe de projet emploi et territoires chez France Strategie. Au contraire, les territoires qui ont consommé peu d'espaces et de manière « assez efficace » en matière d'habitat et d'activités, « sont souvent des territoires contraints du fait de leur topographie et de leur attractivité touristique ». Ces territoires se retrouvent souvent dans des zones de montagne soumises par exemple à la loi Montagne, qui contraint l'urbanisation.

Par ailleurs, pendant la dernière décennie, ce sont les communes, en moyenne plutôt denses, qui ont consommé le plus d'espaces, en particulier les centres urbains intermédiaires, ajoute Hélène Arambourou. Dans ce groupe de communes, on trouve par exemple Saint-Nazaire (Pays de la Loire), Charleville-Mézières (Grand Est) et Brive-la-Gaillarde (Nouvelle-Aquitaine), « où chaque année 22 ha sont artificialisés par commune ».

La stratégie des Régions pour respecter l'objectif ZAN

Si les Régions ne sont pas toutes confrontées aux mêmes enjeux - du fait de l'hétérogénéité des territoires qui les composent, elles étaient toutes, en juin 2023, déjà engagées dans une procédure de modification de leur document de planification afin d'atteindre l'objectif du ZAN, détaille la seconde note de France Stratégie.  (2) D'ailleurs, elles ont encore jusqu'en novembre 2024 et seront les premières collectivités à intégrer leur objectif de sobriété foncière (par tranche de dix années) dans leur schéma régional d'aménagement (Sraddet).

Les Régions dotées d'un Sraddet interrogées « ont choisi d'établir une maille territoriale, et en général la maille du Scot (schéma de cohérence territoriale, ndlr), sur laquelle elles vont appliquer des objectifs de différenciation de réduction de la consommation d'espaces », explique Sarah Tessé, cheffe de projet territoires et société chez France Stratégie. Ensuite, la plupart d'entre elles ont essayé de définir la présence de projets d'envergure nationale ou régionale, sur lesquels il est nécessaire de mutualiser et de consacrer un certain nombre d'hectares à artificialiser car indispensables pour la Région. Enfin, elles ont cherché à définir des critères de différenciation des objectifs qui s'appuient sur l'évolution démographique à l'horizon 2030 ou sur l'identification des besoins en logements prévisibles. À ce sujet, afin de concilier les nouvelles constructions avec l'objectif ZAN, le Gouvernement souhaite soutenir les opérations de densification du foncier bâti existant et de renaturation des sols.

« Quand on parle de la crise du logement, un des leviers est de densifier. Mais il y a différentes façons de le faire, avec des densifications tout à fait désirables, avec l'accès au commerce, l'accès à la nature et plus de logements au même endroit », ajoute Sarah Tessé.

Gérer des conflits potentiels

Les Régions devront donc faire des choix qui ne seront pas sans conséquences à l'échelle locale. Derrière cet objectif quantitatif de zéro artificialisation nette, se profile ainsi des sources de conflits potentiels liés aux usages du sol, et donc des questions d'aménagement du territoire. « On pourrait avoir un premier niveau de conflit sur la méthode de calcul de ce qui est artificialisé ou non. Cela concerne la première tranche du ZAN, car il n'y a pas, à proprement parler, de méthode. On connaîtra en fonction des rapports que les collectivités vont rendre à partir de 2026 la façon dont elles ont procédé. Potentiellement, il y a ici du travail pour le juge administratif », alerte Maylis Desrousseaux, maîtresse de conférences à l'École d'urbanisme de Paris, spécialisée en droit de l'environnement. Durant cette première tranche du ZAN, jusqu'à 2031, « en résumé, on continue de conserver l'approche de changement d'usage des terres ».

Un second niveau de conflit, selon elle, pourrait être lié à « la qualité du sol qui va faire l'objet d'une protection. Un conflit qui existe déjà, car aujourd'hui il n'y a pas de protection juridique du sol. Le droit de l'urbanisme n'a pas une vocation de protection des milieux ». De quoi alimenter les tribunaux administratifs.

1. Télécharger la note de France Stratégie : L'artificialisation des sols :<br />un phénomène difficile à maîtriser

2. Télécharger la note de France Stratégie : Objectif ZAN :<br />quelles stratégies régionales ?

Rachida Boughriet / actu-environnement




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