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Ecologie : quel cap pour la COP de régions ?
28/08/2024
@ Stadler / Region Grand Est
Dix mois après le lancement des “COP de régions”, quel bilan tirer de la dynamique écologique dans le Grand Est ? Rénovation énergétique, biodiversité et engagements… retour sur la première COP Grand Est.
D’abord, l’arrivée à Metz du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Puis des poignées de mains, et enfin des discussions au palais des Congrès, le 14 novembre 2023, devant 250 acteurs de la région. Mais depuis ? La planification écologique va-t-elle porter ses fruits ?
D’habitude, COP rime avec sommets diplomatiques de Glasgow, Dubai, ou encore de Paris. Depuis novembre, c’est aussi en région que la politique écologique se déploie. Le coup d’envoi a été donné à Metz, pour le Grand Est, avec un but : décliner localement les objectifs français pour 2030. L’État promettait « une large concertation » pour aboutir à un plan adapté à chaque région à l’été 2024. « Or, dans l’Est, la participation citoyenne était presque inexistante, l’écologie taxée d’abstraite et lointaine. »
Une « prise de conscience »
Au téléphone, la préfète du Grand Est, Josiane Chevalier, pose le décor. Elle a assisté au lancement de la COP, et les enjeux sont là pour le Grand Est : « Nous partons d’un constat, il risque de faire jusqu’à 55 degrés dans la région en 2 100 », prévient-elle.
« Le défi climatique, la préservation de la biodiversité sont l’affaire de tous ! Il en va de notre santé, de notre cadre de vie, des emplois d’aujourd’hui et de demain », souligne quant à elle la Région.
C’était une idée défendue par Emmanuel Macron, dans son discours du conseil de Planification Écologique, le 25 septembre 2023. Faire « une écologie à la française ». Et les ambitions étaient fortes. Pour réduire 55 % des émissions de CO2 à horizon 2030, le chef de l’État évoquait un objectif « atteignable, (qui) suppose d’aller 2,5 fois plus vite sur les 5 années à venir ». Dans le Grand Est, « il y a une véritable prise de conscience des risques futurs », assure Josiane Chevalier. Pour la préfète, il faut adopter une politique volontariste en termes d’écologie. « Dans la région ? Nous avons déjà rénové 300 bâtiments et recyclé 82 hectares de friches. » La Région estime même à 129 340 m2 le total de surfaces désimperméabilisées en 2023. « Mais nous devons aller plus loin », affirme Josiane Chevalier.
Or, d’ici à 2030, il faut encore convaincre. « Nous tablons sur une économie de 20 millions de tonnes de CO2. C’est un effort important. Les entreprises doivent changer leur processus, consommer également moins d’eau » explique-t-elle. Et les chantiers sont nombreux sur le territoire : en tout, la COP s’est penchée sur sept thématiques de travail : mieux vivre, se loger, se déplacer, se nourrir, préserver, travailler, approvisionner. L’objectif ? Insuffler une nouvelle dynamique écologique dans les prochaines prises de décisions. « Ne pas être des donneurs de leçon », affirme Josiane Chevalier, en voulant emmener des élus, des chefs d’entreprise et les citoyens dans les projets.
Pourtant, depuis trente ans, l’industrie reste un problème. La cimenterie de Couvrot (51) site le plus pollueur dans le Grand Est, n’a pas fait partie des discussions sur la COP des régions. Dans le top 10 des sites qui émettent le plus de C02 en France, l’usine a réduit de 18 % son bilan carbone depuis 2019, mais affiche encore un score de 617 millions de tonnes en 2023.
Investissements verts : une région en tête
Pour inverser la vapeur, c’est une histoire de finances. La Région Grand Est avait déjà alloué un fort budget à la transition écologique, en 2024 : 3,6 milliards sont sur la table. Avec cette COP, les acteurs politiques mettent les bouchées doubles. Pour tenir ses engagements écologiques, le Grand Est a reçu un coup de pouce de l’Union Européenne, en marge de la COP. La collectivité a bénéficié de 112 millions d’euros Fonds de Transitions Justes.
Et concrètement ?
C’est le cap de la COP : mettre l’accent sur la rénovation énergétique. Alors qu’en 2021 la Région était largement au-dessus de la moyenne nationale en matière de consommation d’énergie, elle vise maintenant la sobriété. Parmi les projets retenus dans le Grand Est l’année passée : 2000 luminaires dans la Haute-Marne, pour réduire de 60 % la facture d’électricité. Autre exemple, à Richemont (57), où la ville a changé l’éclairage public en 2023. Le projet est subventionné par le “Fonds Vert Moselle”, à hauteur de 345 000 euros. Sur les 10 départements de l’Est, l’attribution des Fonds Verts depuis 2023 avoisine les 163 millions euros, selon la préfecture.
Dans une circulaire d’avril 2024, l’État se félicite de l’année passée. « Déjà, les premiers indicateurs disponibles montrent l’impact attendu des projets locaux soutenus en 2023 », avec un gain énergétique moyen de 51 %. En Moselle, 65 projets avaient été retenus bénéficier de l’enveloppe Fonds Vert pour rénover le bâtiment en 2024.
Pendant les réunions de travail de ces dix derniers mois, le développement du transport vert était dans toutes les têtes. C’est l’autre cheval de bataille de la COP régionale : avoir une ambition forte pour les mobilités zéro carbone, estime la Région. Pour mettre le pied sur l’accélérateur, la réponse est encore pécuniaire. Avec plus d’1,67 milliard d’euros consacré, on parie sur les déplacements “propres” à l’horizon 2030.
Une COP « nécessaire mais imparfaite »
« Nous n’avons pas été consultés. Cela ne nous étonne pas, c’est le fonctionnement normal des institutions, du fonctionnement de l’État », témoigne Marie-Pierre Comte, secrétaire départementale des Amis de la Terre (57). On appelle ça une « usine à gaz, on ne peut que le regretter ». Elle affirme pourtant que son association est « pertinente pour participer à ces réunions de travail, sur l’agriculture, l’aménagement du territoire, la qualité des sols… Oui, les politiques ont pris conscience qu’il y avait un problème. Ils amènent des bonnes idées, mais les projets ne tiennent pas la route ».
« On a jamais voulu exclure qui que ce soit, pense Josiane Chevalier. Lors des discussions, la fédération Alsace Nature était présente. Inclure des acteurs de la société civile, c’était important ».
Un souvenir plus mitigé, d’après l’association alsacienne : «On a livré au ministre le constat de la disparition toujours plus grande de la biodiversité en France et dans le Grand Est. Mais à part ça, notre rôle s’est résumé à pas grand-chose. Il y a un décalage entre ce que l’on préconise et les débats institutionnels » explique Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature.
La biodiversité, grande oubliée des discussions ? La Région se défend en mettant en avant un pacte pour les haies, mis en place en 2024. Sur 4 000 km de plantation de haies, notamment en milieu agricole, pour influer sur le climat et la biodiversité. « Le bilan de la COP, on le connaît déjà », poursuit Stéphane Giraud : « Du nucléaire pour décarboner l’énergie, ne pas toucher à l’agriculture malgré la crise de janvier… En gros ménager la chèvre, les choux… et le loup. Je doute qu’il y ait une politique ambitieuse ».
Le directeur d’Alsace Nature met surtout en lumière les chiffres de la consultation publique, disponible en ligne : « 1300 participations sur la COP Grand EST, c’est rien ! Environ 0,2 % de la population. Sur les récents débats, les gens ne se sentent plus concernés. Et la place des assos se retrouve marginalisée. Ce que je retiens de la COP, c’est que la parole du citoyen n’est jamais respectée. »
De son côté, l’association nationale Réseau Action Climat décrit la COP régionale comme une « démarche nécessaire mais imparfaite ». Selon le groupe d’experts, « il s’agit d’une belle opportunité pour enfin espérer atteindre la baisse des émissions de gaz à effet de serre ».
Mais il y a plusieurs zones d’ombre, reconnaît l’association. D’abord financières: « Elle manque d’un financement pluriannuel pour accompagner les régions ». Ensuite, politiques : « La planification se concentre exclusivement sur les questions climatiques, sans prise en compte d’enjeux transversaux, comme la biodiversité, transition de l’économie, gestion de la ressource en eau ». L’association Réseau Action Climat reste toutefois optimiste dans son rapport : « Cette nouvelle initiative, si elle est bien portée par l’ensemble des acteurs, peut changer la donne ».
Qui dit planification, dit “feuille de route”. Le document officiel n’est pas encore connu, mais 80 propositions ont émergé de la consultation publique. À la rentrée, le travail final doit être présenté au niveau régional et départemental. « Et après ? Nous devons nous réunir à l’automne, le 27 septembre et voir comment continuer l’année prochaine », précise Josiane Chevalier. De quoi être à la hauteur pour 2030 ?
Les chiffres clés
- 450 M€ d’investissements pour différents dispositifs : le Plan lycées (rénovation bâtiments scolaires”, le programme Solar’est (énergie propre), le programme Neolux (éclairage public)
- 1 334 dossiers traités et subventionnés par Climaxion en 2023, pour la biodiversité et la qualité de l’eau dans la Région.
- 3,6 milliards de budget pour Grand Est Région Verte
- – 40 % des émissions de CO2 de la région, depuis 30 ans.
- + 56,7 % de CO2 en 2021, par rapport à son objectif initial, prévu pour 2050.
Élie Polselli / lasemaine