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"Les températures dans les Hauts-de-France conviennent tout à fait" : quand le changement climatique fait remonter la viticulture vers le nord
19/10/2024
Une des vignes plantées dans le Pas-de-Calais. (EDOUARD MARGUIER - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)
L’effet du réchauffement planétaire et ses conséquences sur la viticulture est l’un des thèmes du congrès mondial du vin (Nouvelle fenêtre)qui débute lundi 14 octobre à Dijon, capitale des célèbres vins de Bourgogne. franceinfo s'est rendu dans les Hauts-de-France pour rencontrer ces nouveaux viticulteurs installés dans le nord et dont la stratégie semble payante.
À gauche, un champ de pommes de terre, à droite un autre de betterave sucrière et au milieu, Laurent Sellié en train de préparer les vendanges à Quiéry-la-Motte, dans le Pas-de-Calais. Il est néovigneron, mais agriculteur depuis 30 ans. "Ils sont petits les raisins cette année, on a eu un trop mauvais mois de juin, trop de pluie et pas assez de soleil, mais sinon il est bien sucré, il a bien profité depuis quinze jours".
Une adaptation au dérèglement climatique
Planter de la vigne dans le Pas-de-Calais, Laurent ne l'imaginait pas, mais les conséquences du dérèglement sont particulièrement visibles sur cette parcelle de quatre hectares. "Ici c'est une terre de craie, ça devenait compliqué de mettre des cultures de printemps, du blé, des betteraves, des pommes de terre, du lin, ils souffraient trop de la sécheresse et de la chaleur, ils manquaient d'eau. Une terre de craie ça se dessèche plus vite qu'une terre argileuse. Depuis 7 ou 8 ans ça devenait de pire en pire et moi ça me tentait aussi de faire de la vigne." La terre de craie est idéale pour le chardonnay, le cépage qu’il a planté il y a quatre ans en profitant d’un projet lancé par la société de négoce agricole avec laquelle il travaille.
Laurent Sellié, agriculteur et néovigneron dans les Hauts-de-France. (EDOUARD MARGUIER - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)
Au-delà du plaisir de faire du vin, Laurent Sellié s'est aussi lancé pour se diversifier. À 55 ans, il a investi pour une nouvelle culture en raison de la variation du prix de la tonne de blé notamment sur les courts mondiaux.
"Une année on est à 200 euros, une année on est à 300, on ne peut pas avoir qu'une culture sinon on peut se planter du jour au lendemain."
Laurent Sellié à franceinfo
"La betterave c'est pareil. Il faut étaler les risques", explique Laurent. D'où l'idée d'investir 200 000 euros pour quatre hectares de vignes, même si c'est encore trop tôt pour être rentable. Mais cet agriculteur n'est pas le seul à en avoir planté. Une coopérative viticole est située à Dompierre Bequincourt, dans la Somme, à l'est d'Amiens. C'est là que se fait la vinification.
"On a 52 viticulteurs partenaires répartis essentiellement sur l'Aisne, le Nord, la Somme et le Pas-de-Calais. L'objectif est de rassembler 130 viticulteurs autour de 200 hectares, donc 1,5 hectare chacun", détaille Julien Poulin, directeur de développement de la coopérative des 130. "On est dans une ancienne sucrerie qui fait 3000 mètres carrés. Pour nous c'était important de s'inscrire dans le patrimoine agricole de la région avec une culture historique qui laisse sa place à une nouvelle culture dans la région".
La Coopérative des 130, à Dompierre-Bequincourt, dans la Somme. (EDOUARD MARGUIER - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)
L’idée est lancée il y a quatre ans par Ternovéo, société de négoce agricole, installée dans l’Aisne et à la recherche de nouvelles filières. Celle-ci était toute trouvée. Avec le réchauffement climatique, le territoire a les qualités nécessaires soutient Julien Poulin. "Il est propice à faire du vin, mais on fait du vin aussi plus au nord que nous. Il y a du vin en Angleterre, en Belgique, dans les pays nordiques. Le changement climatique en est un des effets, il faut s'y adapter."
"On est partis sur un cépage qui s'adapte assez vite à son climat avec le chardonnay. Les températures dans les Hauts-de-France lui conviennent tout à fait pour faire les vins recherchés."
Julien Poulin à franceinfo
Faire un vin blanc "simple", "frais", "festif"
Ces vins recherchés dont parle Julien Poulin sont des vins à la mode et qui échappent à la crise. Car les Français consomment beaucoup moins de vin qu'auparavant. La consommation a baissé de 70% en 60 ans. De 120 litres de vin par an et par Français dans les années 60, c'est désormais 40 litres, selon l'observatoire des drogues et des tendances addictives. Mais c'est surtout le rouge qui souffre de la crise. Des viticulteurs du Bordelais (vignoble à 80% rouge) en viennent même à arracher des vignes pour baisser les volumes. Julien Poulin le sait et c’est pourquoi il ne propose que du blanc. "Plutôt sur des vins festifs, des vins à partager, des vins assez simples techniquement, ce ne sont pas des vins de grands connaisseurs. La demande va moins vers des vins taniques et plus chargés en alcool."
"On tient le cap de vins légers, de vins plus frais, ce que le climat du nord nous permet de faire, avec des degrés alcooliques plus faibles, en face d'une demande qui est réelle aujourd'hui."
Julien Poulin à franceinfo
Et cette stratégie fonctionne. Il y a deux ans, la Coopérative des 130 a produit 40 000 bouteilles pour son premier millésime. L'an dernier, c'était six mois plus avec 240 000 bouteilles. L’objectif cette année sera de faire autant, car la production de raisin s'annonce en baisse comme dans tous les vignobles français.