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Près de Rennes, une ancienne carrière rendue à la nature et au public
12/11/2024
Le projet de réaménagement prévoit de percer une digue qui avait été créée pour des raisons d'exploitation. Les engins ont creusé des vasques au milieu de la digue, puis l'ont ouverte. Ils travaillent à reculons de façon à évacuer les matériaux en toute sécurité. © Dervenn
En avril 2025, une gravière exploitée pendant près de trente-cinq ans par Lafarge sera rendue à la nature et au grand public. Les travaux de remise en état et de mise en sécurité de cet espace de 70 hectares sont chiffrés à 1,3 million d'euros.
Située au sud de la Ville de Rennes, qui en est la principale propriétaire, l'ancienne gravière de Lillion-Les Bougrières (les deux étangs de la parcelle) fait l'objet depuis avril 2023 de travaux de remise en état et de mise en sécurité.
« Dès que vous ouvrez une carrière, rappelle Claire Morice, responsable foncier environnement chez Lafarge Granulats, vous devez proposer un projet de remise en état. » À la mise en exploitation officielle par le carrier, en 1983, des orientations sur la fin de vie avaient certes été fournies, mais elles étaient peu précises. « À l'annonce de la fin de l'exploitation, poursuit-elle, nous sommes [donc] retournés voir les futurs gestionnaires [Ville de Rennes et Rennes Métropole] pour évoquer les détails de la réhabilitation. »
S'en suivent une concertation entre 2020 et 2022, ainsi que des études sur l'état écologique et l'état technique du site, avec des inventaires réalisés sur quatre saisons… Le tout débouche en 2022 sur un projet d'aménagement dont les détails sont cadrés par un arrêté préfectoral délivré en avril 2023. L'objectif in fine est d'ouvrir au public ce site qui doit devenir l'un des maillons d'un projet plus vaste porté par Rennes Métropole et baptisé Vallée de la Vilaine (1) .
Cessation d'activité
Le dossier de cessation d'activité de la gravière a été déposé avant fin mai 2022, c'est-à-dire sous le précédent régime réglementaire, qui imposait à l'exploitant de dresser un état des lieux des travaux effectués, et de ceux restants à faire. « Le dossier a été présenté au préfet pour qu'il vérifie que l'on respectait l'arrêté, précise Claire Morice, de Lafarge. La Dreal, notre administration de tutelle, était à l'état des lieux d'entrée, elle sera à l'état des lieux de sortie. » Depuis juin 2022 et le changement de réglementation, les dossiers de cessation d'activité prévoient la réalisation de trois types d'ATTES : l'ATTES-Secur (mise en sécurité du site) ; l'ATTES-Travaux (conformité aux objectifs) ; l'ATTES-Mémoire (bilan des travaux réalisés). Ces documents sont réalisés par des bureaux d'études extérieurs, puis transmis à l'Administration. Cette dernière peut revenir ou pas vérifier sur le site.
Première vigilance : le calendrier !
Dans le cadre de cette ouverture au public, la livraison du projet de remise en état et de mise en sécurité est annoncée pour avril 2025. Pour autant, les travaux ne durent pas deux ans, loin s'en faut, mais plutôt deux saisons : après une première tranche d'opérations d'octobre 2023 à fin février 2024, une seconde a ainsi débuté fin août 2024 et doit s'achever en février 2025.
« Le phasage s'est calé sur les périodes de sensibilité des espèces recensées [reptiles, amphibiens, oiseaux] », confirme Nicolas Lahogue, chef de pôle AMO – MOE chez Dervenn Conseils et Ingénierie, bureau d'études qui, avec Dervenn Travaux et Aménagements (génie écologique) et Pigeon Terrassement et Environnement (gros travaux de terrassement), forme le groupement d'entreprises sélectionnées à l'issue d'un appel d'offres pour réaliser les travaux.
La première tranche a notamment servi à nettoyer une pollution aux hydrocarbures. « Nous avons choisi, expose Claire Morice, pour Lafarge, d'exporter cette pollution vers des centres agréés plutôt que de la traiter sur place [par aération, ndlr]. » Près de 2 400 m3 ont ainsi été excavés et pris en charge par l'entreprise Serea, basée au nord de Nantes. Pour une partie, ces terres ont été acheminées vers la cimenterie Lafarge de Saint-Pierre-la-Cour, en Mayenne, où elles ont servi de combustible ; pour une autre, elles ont été expédiées à Bouguenais, en Loire-Atlantique, sur une plateforme spécialisée exploitée par le groupe Brangeon.
Créer une mosaïque d'habitats
Issu d'une carrière de roches naturelles, à Guipel, le brut d'abattage amené sur le site doit servir à mettre en sécurité la berge qui jouxte le halage en bord de la Vilaine. L'étude géotechnique en cours prévoit de refaire une digue en pente douce et de la stabiliser dans sa partie supérieure avec les roches concassées. « Pour respecter la largeur réglementaire (15 m), on va devoir apporter environ 30 000 m3 de matériaux décaissés ailleurs sur le site, et un peu plus de 6 000 m3 de brut d'abattage. © Dervenn
Entamés à la fin de l'été, les travaux de la seconde tranche consistent principalement à terminer le profilage des berges des deux étangs, leur mise en sécurité, ainsi que leur végétalisation – cette dernière passe pour l'essentiel par la plantation d'hélophytes (en boudins préplantés ou en godets), l'implantation d'une ripisylve et l'enherbement des futures prairies.
Au-delà de l'esthétisme, le profilage des berges joue un rôle écologique. « Plus on varie les profils, explique ainsi Claire Morice, plus on varie les pentes, plus la végétation qui colonise les berges est diversifiée. » Pourquoi s'en mêler et ne pas laisser dame Nature aux commandes ? « Depuis l'arrêt de l'activité, concède Nicolas Lahogue, pour Dervenn, la nature a très vite recolonisé le milieu, elle se l'est très vite réapproprié. Nous sommes là pour l'aider à se réinstaller, à favoriser une mosaïque d'habitats (…) : recréer des roselières, des prairies, des pentes douces pour avoir différents gradients d'habitats en bordure de plans d'eau ; refaire des mares, des buttes de sable… »
Aujourd'hui, en dehors des travaux de végétalisation et de profilage des berges, les efforts se concentrent sur deux points : le renforcement de la digue avec la Vilaine, qui jouxte le bassin de Lillion, et la création de connexions entre Lillion Nord et Lillion Sud, « pour assurer les continuités hydrauliques entre les bassins », explicite Nicolas Lahogue.
Faire avec l'existant ? Insuffisant !
« Comme il y avait beaucoup de matériaux disponibles sur le site, nous sommes partis sur un fonctionnement en déblais-remblais, qui présentait un double intérêt : recréer des habitats favorables à la végétation et à la faune [phase déblais] ; récupérer les matériaux pour stabiliser la digue [phase remblais], poursuit le chef de projet. Mais les matériaux récupérés, plutôt solubles, ont glissé dans l'eau, ce qui fait que l'on n'est pas aux résultats attendus sur la digue. » Conséquence : sur cette partie du site, l'équipe s'est résolue à utiliser quelques apports extérieurs. Une fois la digue renforcée, elle sera replantée en ripisylve.
L'autre point un peu délicat concerne l'ouverture de trois connexions entre Lillion Nord et Lillion Sud : à l'issue des travaux, les deux plans d'eau seront à la même cote – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. « Il y aura un chenal, et deux petites connexions d'une dizaine de mètres de large », détaille Nicolas Lahogue. Objectif ? Casser la digue qui avait été construite pour des raisons d'exploitation. Grâce à ces trois "échancrures", « on aura des îlots de végétation et d'habitats qui seront comme des îles au milieu du bassin », ajoute-t-il. « Des espaces un peu isolés pour les oiseaux qui seront un peu protégés des prédateurs », complète Claire Morice.
L'eau sous étroite surveillance
À noter que la qualité de l'eau des étangs fait l'objet d'un suivi depuis que la gravière a été mise en exploitation. En effet, les étangs ont cet avantage de stocker une eau de surface, donc facilement mobilisable pour les usagers de Rennes. « C'est une eau de secours, en cas de difficultés sur les retenues de la Chèze et du Canut, ou sur la Vilaine [elle a d'ailleurs été mobilisée en 2022 lors d'un épisode de sécheresse important, ndlr], rappelle Claire Morice, de Lafarge. Pendant toute la vie de la carrière, nous avons effectué des suivis de la qualité de l'eau de surface (…). Nous avions une drague pour extraire les matériaux, un outil flottant qui fonctionnait à l'énergie électrique, pour éviter les rejets. Dans le même esprit, les matériaux extraits étaient transportés par flux hydrauliques (…). Pendant toute la vie de la carrière, et encore aujourd'hui, l'eau a fait l'objet d'une attention particulière (…). Eau du bassin rennais effectue ses suivis, nous les nôtres (…). Nous surveillons la qualité de l'eau de la nappe : eux avec leurs paramètres, nous avec les nôtres. Puis nous les transmettons à l'Administration. »
Malgré cette attention particulière, on aurait tort de se fier aux images de « pureté » véhiculées par ces lagons bretons : des analyses réalisées en 2023 ont en effet révélé dans l'étang des Bougrières des taux de PFAS largement supérieurs aux normes tolérées. Réalisées en 2024, huit campagnes de prélèvements supplémentaires sont venues confirmer et préciser le diagnostic : Les Bougrières n'est pas le seul touché, la pollution aux PFAS s'étend à d'autres étangs du sud de Rennes, mais qui eux ne servent pas à la production d'eau potable – pour éviter tout risque sanitaire, l'eau des Bougrières est diluée avec celles de la Chèze, puis traitée au charbon actif.
À ce stade, l'activité d'exploitation des gravières et autres sablières n'est pas mise en cause dans ces pollutions, mais plutôt d'anciennes décharges.
1. Lancé en 2014, Vallée de la Vilaine est un projet destiné à valoriser une zone de 3 500 hectares, assez morcelée dans ses usages, sur une vingtaine de kilomètres le long de la Vilaine, entre Rennes et Laillé.
Christine Lairy / actu-environnement