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Loi agricole : qu’est-ce que l’acétamipride, l’insecticide au centre des débats ?
03/06/2025

Réclamé par les agriculteurs pour lutter contre les insectes ravageurs, l’acétamipride est considéré comme toxique pour la biodiversité et dangereux pour la santé humaine. Photo d’illustration. | THOMAS BRÉGARDIS / OUEST-FRANCE
Examinée à partir de ce lundi 26 mai, la loi Duplomb prévoit, entre autres, la réintroduction d’un pesticide interdit en France depuis 2018 : l’acétamipride. Pourquoi ce produit cristallise-t-il autant les tensions, à l’Assemblée nationale et chez les agriculteurs ?
La loi agricole portée par le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb fait son entrée fracassante dans l’hémicycle ce lundi 26 mai 2025, avec plus de 3 500 amendements déjà déposés. Un point en particulier enflamme les débats : la réintroduction, à titre dérogatoire et exceptionnel, de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes.
Interdit en France depuis 2018, ce produit est autorisé dans le reste de l’Union européenne jusqu’en 2033. Alors que plusieurs centaines d’agriculteurs manifestent devant l’Assemblée nationale ce lundi, à l’appel des syndicats, les défenseurs de l’environnement dénoncent un recul majeur.
Une « concurrence déloyale » pour la FNSEA
D’un côté, la FNSEA, premier syndicat agricole dénonce une « concurrence déloyale » avec les autres producteurs européens et une « porte ouverte aux importations ».
Les producteurs de betteraves sucrières et de noisette affirment, pour leur part, n’avoir aucune autre solution pour protéger efficacement leurs cultures contre les insectes ravageurs. L’acétamipride leur permettait de lutter efficacement en aspersion contre les pucerons véhiculant le virus de la jaunisse de la betterave, une maladie qui réduit drastiquement les rendements agricoles.
Impacts sur la biodiversité
Pour les apiculteurs, le retour des néonicotinoïdes, scientifiquement documentés comme étant très toxiques pour les abeilles, est une bien mauvaise nouvelle. L’introduction de ces produits dans les années 1990 avait fait s’effondrer la production de miel, puisqu’ils perturbent le comportement des abeilles, la pollinisation et la survie de la ruche.
L’acétamipride est classé comme substance active neurotoxique pour les insectes. « C’est ce que l’on appelle les effets sublétaux qui conduisent aussi à la disparition des insectes », expliquait dans Les Échos Laure Mamy, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et spécialiste des effets des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité.
Une dizaine de microgrammes d’acétamipride ingérée par abeille suffit pour tuer la moitié d’une colonie, en 48 heures. Des études ont également prouvé que cet insecticide est plus dangereux pour les abeilles lorsqu’il interagit avec certains fongicides, des pesticides qui éliminent les champignons. « Ces effets cocktails ne sont jamais testés, pourtant la toxicité peut être augmentée de manière considérable », indiquait à nos collègues du média Vert Philippe Grandcolas, entomologiste et directeur de recherche en écologie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
L’acétamipride est également responsable du déclin de la population d’oiseaux dans les zones agricoles, en ingérant directement le produit et par manque de nourriture, puisque les insectes que mangent les oiseaux disparaissent. Les néonicotinoïdes perdurent très longtemps dans l’environnement, notamment dans l’eau.
Risques importants pour la santé
Au micro de France Inter, le chimiste-toxicologue au CNRS Jean-Marc Bonmatin, spécialiste des néonicotinoïdes, mentionne l’existence d’études attestant d’un lien entre l’acétamipride et certains cancers, notamment du foie, de la thyroïde et des testicules. « On a découvert des choses graves, qui concernent le neurodéveloppement chez le fœtus, chez l’enfant, avec des maladies du spectre autistique, des malformations cardiaques », a-t-il expliqué.
Début mai, plus de 1 000 scientifiques, médecins et soignants ont adressé une lettre ouverte aux ministres de la Santé, de l’Agriculture, du Travail et de la Transition écologique, dans laquelle ils alertent sur les dangers de l’acétamipride. « Cette proposition de loi contient de nombreuses mesures qui vont renforcer la dépendance des agriculteurs aux pesticides chimiques de synthèse, sans pour autant répondre à leur demande de rémunération juste. Or cette dépendance pose déjà d’énormes problèmes de santé humaine et de dégradation de l’environnement », plaident les signataires.
« Les publications scientifiques confirment la dangerosité de l’acétamipride, pour la biodiversité et la santé humaine », insiste l’ONG Générations Futures.