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Décarbonation : que font les armées françaises ?

17/04/2024

Décarbonation : que font les armées françaises ?

La "Patrouille de France", le 14 juillet 2023. © ADNAN FARZAT/NurPhoto via AFP

Peu abordée dans les débats, la question de la responsabilité climatique du secteur militaire a été soulevée par la Cour des comptes dans son rapport annuel consacré à l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique, publié le 12 mars dernier. L’occasion de se pencher sur les actions menées par les armées françaises afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et les efforts qu’il reste à fournir. 

"Peut mieux faire", tel est en résumé l'observation faite par la Cour des comptes sur l’action climatique du ministère des Armées dans son rapport annuel. Rendu public le 12 mars dernier, ce document pointe du doigt la gestion des finances publiques du gouvernement en termes d’adaptation au changement climatique, et épingle plusieurs secteurs, à l’image de la défense - aujourd’hui dépendante de technologies fortement émettrices de gaz à effet de serre. 

Si le ministère des Armées ne communique pas sur son empreinte carbone actuelle, la "grande muette" indiquait dans un premier bilan, dressé pour l’année 2010 et publié en 2012, émettre un peu plus de 5 millions de tonnes de CO2. Les armées françaises représenteraient ainsi 1 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES). Face à cet impact, des mesures d’atténuation ont été entamées dans le domaine "non-opérationnel", qui regroupe toutes les fonctions nécessaires pour le soutien des opérations de combat ou des missions sur le terrain. 

Un secteur gourmand en énergies fossiles 

Un plan de sobriété énergétique a notamment été déployé en 2022. Objectif affiché : "diminuer de 10 % l’énergie consommée d’ici à 2024". Pour y parvenir, le ministère travaille sur la mobilité, en favorisant "le développement d'une offre alternative pour la mobilité intra-base ou pour le dernier kilomètre, le report obligatoire de l’avion vers le train pour les trajets de l’avion vers le train pour les trajets de moins de quatre heures". L'accent est aussi mis sur la "réduction de la consommation numérique", à travers par exemple la "mise en place d’un dispositif d’amélioration de l’efficacité énergétique des data-centers", ou encore l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments de l’Etat.

Autant de chantiers qui devraient "permettre de réduire d’ici 2030 les émissions du ministère d’environ 37 000 tonnes de CO2", indique à ID le centre média du ministère des Armées. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes note ces progrès tout en soulignant que le ministère les doit "pour l’essentiel à la réduction du format des armées plus qu’à la réduction de la consommation nominale des bâtiments". 

Des mesures d’atténuation jugées insuffisantes 

Du côté des secteurs "opérationnels", la diminution de la consommation énergétique relève plutôt du statu quo. Le recours aux énergies fossiles, nécessaires pour alimenter un parc conséquent d’engins motorisés (véhicules terrestres, blindés, aéronefs, navires), occupe encore une place centrale.  

"La mobilité des forces armées implique des puissances que les motorisations alternatives ne peuvent et ne pourront à moyen terme offrir en remplacement des motorisations thermiques”, admet la Cour des comptes avant d’ajouter : Pour autant, l’autonomie énergétique étant l’une des conditions de la performance opérationnelle des forces armées, celles-ci veillent, dès la conception des équipements (véhicules, aéronefs et navires), à optimiser leur consommation de carburant. De ce fait, les armées n’ont pas considéré devoir pousser plus avant la démarche de réduction de leur consommation de carburant d’origine fossile, qui n’a pas diminué au cours des dix dernières années." 

En 2022, lors de la présentation de son plan de sobriété, le ministère des Armées soulignait la complexité d’opérer la décarbonation de cette partie opérationnelle. "Des actions d’accélération de la stratégie énergétique de défense sont menées dans le périmètre des énergies opérationnelles dès lors qu’elles sont compatibles avec les activités des armées", justifiait-elle, rappelant oeuvrer pour l'hybridation des véhicules blindés de l’armée de terre d’ici à 2025, ou l'incorporation de carburants biosourcés à hauteur de 5 % en 2030. 

L’armée, victime aussi du changement climatique 

Au-delà de ce virage amorcé vers la transition énergétique, l’armée française assure également s’engager de manière plus globale en faveur de la lutte contre le changement climatique, mesurant notamment l’impact de ce phénomène sur ses activités. Dans un numéro d’Esprit Défense - magazine du ministère des Armées publié en 2022, Nicolas Regaud, conseiller climat du major général des armées, témoignait de cette prise de conscience :

Nous savons que les théâtres d’opération et les conditions dans lesquelles nous intervenons seront affectés par un climat en changement rapide et par des événements extrêmes. Cela affectera nos matériels, nos infrastructures, la santé des combattants, et donc les opérations elles-mêmes. C’est relativement nouveau et cela ne peut que s’aggraver.” 

Parmi les défis auxquels est aujourd’hui confrontée l’armée : la salinisation accrue des océans, liée à l’augmentation des températures, qui a des effets sur l’acoustique des sous-marins. Mais aussi la montée des eaux qui menace certaines infrastructures, comme les ports, aéroports... 

Confronté à ces nouvelles contraintes climatiques, le ministère planche sur plusieurs solutions d’adaptation. "Le maître mot, c’est d’assurer la résilience des combattants, des infrastructures et des équipements pour être en mesure de conduire des opérations en tous lieux et toutes circonstances malgré un contexte environnemental de plus en plus contraignant. Cette nouvelle donne est valable aussi bien pour le ‘grand chaud’ que pour le ‘grand froid’.” 

Vers une exacerbation des conflits armés ? 

Cette adaptation aux risques est d’autant plus cruciale pour anticiper de futures crises qui pourraient être générées ou accentuées par les bouleversements politiques et géopolitiques causés par le réchauffement climatique. En Afrique de l’Ouest, la sécheresse, intensifiée par le réchauffement climatique, perturbe depuis quelques années "les équilibres sociaux comme celui qui prévaut entre cultivateurs et éleveurs" entraînant des affrontements armés entre ces deux groupes, comme le note Pauline Grosjean, professeure d’économie à l’université de Nouvelle Galles du Sud, en Australie, dans une chronique du Monde, publiée le 1er mars dernier.  

Dans de nombreuses régions, comme au Proche et Moyen-Orient, dans la bande sahélo-saharienne ou en Asie du Sud, l’accès à l’eau pourrait aussi être source de tension et amener à "des conflits ouverts exacerbés par le dérèglement climatique ainsi que leurs implications pour la France et l’Europe, susceptibles d’orienter la politique de défense et la loi de programmation militaire", souligne le ministère dans sa stratégie "Climat et Défense". 

A la lumière des ces menaces, la lutte contre le changement climatique apparaît ainsi comme un combat pour la préservation de la paix et la stabilité, tant sur le plan régional que mondial. 

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