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L'effondrement de la biodiversité proche d'un point de bascule, selon le WWF

12/10/2024

L'effondrement de la biodiversité proche d'un point de bascule, selon le WWF

Les populations de grèbe huppée ont chuté de 91 % en France, depuis 2001.    © Andrew Ros

En amont de la COP 16 à Cali, le WWF s'inquiète du déclin continuel des vertébrés sauvages et de leurs milieux. Les derniers reculs politiques en Europe et le manque d'ambition à l'international ne sont pas de nature à le rassurer.

Les années passent, les rapports continuent de tomber et, malheureusement, de se ressembler. « Alors qu'il est plus qu'urgent de transformer en profondeur notre modèle de production et de consommation, on assiste, incrédules, au détricotage des avancées obtenues en Europe et en France », déplore Véronique Andrieux, directrice générale du bureau français du Fonds mondial pour la nature (WWF), dans son nouveau rapport « Planète vivante » (1) . Publié le 10 octobre, à quelques jours de la COP 16 sur la biodiversité à Cali, en Colombie, le document réévalue encore davantage à la baisse la perte d'abondance de la vie sauvage depuis les années 1970.

Un déclin qui ne cesse de se confirmer

Entre 1970 et 2020, la taille moyenne des populations de vertébrés sauvages (représentant 4 % de tous les grands vertébrés, le reste étant partagé entre l'humanité et le bétail) s'est réduite de 73 %. Une baisse qui ne cesse de s'accroître, tous les deux ans à chaque rapport du WWF : 69 % en 2018, 68 % en 2016 et 60 % en 2014. Et ce, alors même que le nombre de populations sauvages considérées et la quantité de données d'observation et de recensement correspondantes s'agrandissent. Depuis le précédent rapport, les services du WWF et de la Société zoologique de Londres (ZSL), qui collaborent au calcul de l'indice planète vivante (IPV) depuis 1998, ont ajouté plus de 7 000 nouvelles populations sauvages au corpus, totalisant environ 34 800 populations et couvrant 5 495 espèces différentes (265 de plus). À noter que cet indicateur ne suit pas le nombre d'extinctions d'espèces mais l'abondance d'espèces existantes, soit la perte d'individus qui les composent. En 2019, les chercheurs de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes) estimaient qu'au moins 680 espèces de vertébrés avaient disparu depuis le début de la révolution industrielle.

Les zones humides comptent parmi les milieux qui vont le plus mal, qui régressent le plus ou sont le plus dégradés ” - Yann Laurans, WWF France

Il y a évidemment des disparités entre les groupes et les régions du monde. En cinquante ans, les populations des espèces dulcicoles ont décliné de 85 % (contre 83 % en 2018). Malheureusement, rien d'étonnant pour Yann Laurans, directeur des programmes du WWF France. « Les zones humides comptent parmi les milieux qui vont le plus mal, qui régressent le plus ou sont le plus dégradés », rappelle-t-il en écho au récent rapport « Rivière vivante ». Celui-ci estimait à 0,4 % la diminution des populations d'espèces françaises d'oiseaux et de poissons d'eau douce depuis 2001. Ce chiffre, certes restreint aux cours d'eau et zones humides françaises et sur une échelle de temps moins longue que pour l'indice planète vivante, cache néanmoins la déliquescence des populations de grèbe huppée (- 91 %) ou de truite des rivières (-94 %). Sur le plan géographique, le déclin de la vie sauvage semble moins important dans les pays du Nord (entre - 35 % et - 39 % en Amérique du Nord et en Eurasie) que dans les pays du Sud (jusqu'à - 95 % en Amérique du Sud). Mais selon Yann Laurans, les politiques de protection ou de restauration entreprises par les premiers ne l'expliquent que marginalement. « Dans l'hémisphère Nord, le plus gros de l'effondrement de la biodiversité est intervenu bien avant 1970 ; tandis que dans les pays du Sud, le phénomène s'avère concomitant aux effets de la mondialisation accélérée dans les années 1980 et, donc, plus tardif. »

Point de bascule, le risque de l'inaction

Règlement sur la restauration de la nature adopté seulement de justesse, celui sur la déforestation importée reporté d'un an, rétropédalage potentiel sur l'objectif français de « zéro artificialisation nette » en 2050, nouvelles coupes budgétaires en perspective sur les subventions françaises envers l'écologie : rien, sur le plan européen comme français, n'est de nature à rassurer le WWF France sur une inversion possible du déclin chiffré. Même sentiment sur le plan international. Le 30 septembre, la maison-mère du WWF a présenté son évaluation des derniers plans nationaux d'action et stratégies pour la biodiversité (NBSAP), que chaque pays signataire de la Convention-cadre des Nations unies sur la diversité biologique (CBD) doit soumettre avant la COP 16. Résultat, sur les 196 États concernés, seuls vingt (dont la France) ont soumis leurs NBSAP et soixante autres se sont contentés de mettre à jour leurs objectifs chiffrés. « Un certain nombre des NBSAP publiés ne s'appuient pas sur des indicateurs clairs et cohérents, sans quoi les pays ne pourront être tenus responsables de la bonne mise en œuvre de ces plans, regrette le bureau international du WWF. Or, ce fut précisément la raison de l'échec des objectifs d'Aichi [conclus au Japon en 2010, depuis remplacés par le Cadre mondial convenu à Montréal en 2022, NDLR]. »

Ce qui coince, selon Véronique Andrieux, « c'est que les gouvernements ne se soucient pas assez de ce qu'on perd » avec de tels réticences, retards ou reculs politiques. Sur la déforestation importée par exemple, « la communauté scientifique est d'accord pour considérer qu'au-delà d'une perte de 25 % de sa surface, la forêt amazonienne fera basculer la région dans un autre régime climatique », souligne son collègue Yann Laurans. À l'heure actuelle, l'évapotranspiration et l'humidité de sa biomasse forestière contribuent largement aux fortes pluies tropicales en une sorte de boucle de rétroaction positive. Réduire drastiquement cette biomasse risque d'accentuer la transformation de ce milieu en savane, diminuant l'humidité et les précipitations évoquées et accentuant les sécheresses réduisant naturellement la surface forestière. « La même chose est vraie des zones humides qui, du fait de l'artificialisation pour l'étalement urbain ou de l'utilisation agricole des terres, ne pourront plus retenir les fortes précipitations et conduiront à renforcer les inondations », abonde Véronique Andrieux. Le tout en amenant encore toujours plus de populations sauvages à décliner et d'espèces à disparaître dans leur sillage.

1. Télécharger le rapport

Félix Gouty / actu-environnement


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