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COP16 : 72% des entreprises européennes sont dépendantes de la biodiversité
16/10/2024
L'érosion de la biodiversité menace l'économie européenne - Photo de AARN GIRI sur Unsplash
L’érosion de la biodiversité serait une menace pour la stabilité financière et économique de l’Europe. C’est en tout cas ce qu’explique la Banque Centrale Européenne dans un récent rapport, qui alerte sur l’urgence de mieux lutter contre la dégradation de la nature. Une mise en garde essentielle à quelques jours de l’ouverture de la COP16 sur la biodiversité en Colombie.
Alors que le WWF vient de publier son rapport annuel sur l’effondrement de la biodiversité, et de rappeler que les populations d’espèces vivantes se sont effondrées de 73% depuis 50 ans, certains acteurs commencent à s’inquiéter des conséquences économiques de cette crise globale. C’est le cas de la très sérieuse Banque Centrale Européenne (BCE), qui affirme que l’économie européenne est menacée par l’érosion de la biodiversité. La dégradation des écosystèmes et la disparition des espèces vivantes, provoquées notamment par nos activités économiques, l’expansion industrielle et agricole et la pollution, est en effet au cœur du rapport publié il y a quelques jours par l’institution bancaire de l’UE.
Le constat est clair et appelle à une meilleure prise en compte des enjeux liés à la biodiversité dans le cadre de la transition écologique et sociale. “Les entreprises, le secteur financier et les décideurs politiques ont longtemps sous-estimé, voire ignoré l’importance économique des services écosystémiques”, explique ainsi le rapport de la BCE.
3 millions d’entreprises dépendantes
Ces services, ce sont tous ceux qui sont assurés par les écosystèmes naturels et qui soutiennent les activités sociales et économiques : les abeilles qui pollinisent les cultures, la végétation qui maintient les sols et retarde l’érosion, les sols qui filtrent et dépolluent les eaux, ou encore la biodiversité qui contribue à la fertilité des écosystèmes en sont quelques exemples. Or, selon la BCE, 72% des entreprises de la zone euro, soit environ 3 millions d’entreprises, “dépendent de manière critique des services écosystémiques et seront confrontées à d’importants problèmes économiques en raison de la dégradation des écosystèmes”. En d’autres termes, des secteurs entiers de l’économie européenne ne pourraient fonctionner sans les services écosystémiques. Une alerte essentielle, alors que l’Europe subit de plein fouet l’effondrement de sa biodiversité et la dégradation massive de ses écosystèmes.
Les chiffres mis en avant par la BCE sont en effet alarmants : près de 1 700 espèces vivantes seraient à risque d’extinction en Europe, dont 50% des espèces d’arbres endémiques, ainsi qu’une grande partie des pollinisateurs, qui sont partout en déclin. Les données publiées par l’IPBES, le GIEC de la biodiversité, montrent également qu’“en Europe […] 14 types d’habitats naturels sur 15 ont vu leur étendue et l’état de leur biodiversité décliner depuis les années 1950” et que 69% des surfaces naturelles de l’Union Européenne présentaient un statut de conservation défavorable. Une dégradation qui pourrait encore s’accentuer au fur et à mesure que les pressions sur la nature augmentent, notamment avec l’intensification du réchauffement climatique. Pour les entreprises qui dépendent de la nature, il s’agit là d’une vulnérabilité systémique. “Même des événements apparemment mineurs – comme la disparition d’une seule espèce d’abeille – peuvent avoir des répercussions économiques considérables” explique ainsi la Banque Centrale Européenne.
Erosion de la biodiversité, inflation et instabilité financière
L’érosion de la biodiversité pourrait ainsi contribuer à accélérer l’inflation, en augmentant les coûts de production des entreprises, notamment dans le secteur agricole. D’autres secteurs, qui dépendent des ressources naturelles renouvelables (comme le bois), pourraient être lourdement affectés par la dégradation des écosystèmes forestiers, sans parler des impacts indirects liés à la qualité de l’air, de l’eau, ou à l’érosion des sols.
Au-delà du risque matériel direct, la crise de la biodiversité pourrait aussi constituer un risque pour la stabilité financière de l’Europe, d’après la BCE. En effet, “environ 75% de tous les prêts aux entreprises de la zone euro sont accordés à des entreprises qui dépendent de manière critique d’au moins un service écosystémique.” Des pans entiers du système bancaire européen pourraient donc être fragilisés “si la dégradation de l’environnement continue de suivre les tendances actuelles”, poursuit l’organisation. De même, “30% des investissements des assureurs dépendent de manière critique de la nature et des services écosystémiques qu’elle fournit.”
A une échelle macroéconomique, la crise de la biodiversité pourrait ainsi constituer un obstacle dans la réalisation de “l’objectif de maintien de la stabilité des prix et de la stabilité financière” qui fait partie du mandat de la BCE. D’autant que, comme le rappelle l’institution, la grande majorité des banques privées et publiques du continent continue de financer des investissements qui contribuent à amplifier l’érosion de la biodiversité européenne. Un cri d’alarme qui résonne particulièrement, alors que s’ouvre le 21 octobre la Conférence des Parties sur la Biodiversité, la COP16, en Colombie. ■