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Adaptation au changement climatique : la Cour des comptes européenne s'alarme

24/10/2024

Adaptation au changement climatique : la Cour des comptes européenne s'alarme

Les événements climatiques extrêmes montrent chaque année la vulnérabilité de l'Europe aux changements climatiques.    © Nataraj

Après un audit des stratégies et des moyens déployés par l'Union européenne et par ses États membres, la Cour des comptes européenne alerte sur un manque de méthode et de communication généralisé, voire sur l'inefficacité de nombreux projets.

S'il en était besoin, les incendies ravageurs de cet été au Portugal le prouvent encore, tout comme les inondations dévastatrices qui ont frappé l'Europe centrale et orientale en septembre et celles qui touchent la France aujourd'hui : le Vieux Continent se révèle particulièrement vulnérable aux événements climatiques extrêmes. Au-delà des drames humains, la facture s'avère particulièrement salée pour les États membres de l'Union européenne (UE) : 26 milliards d'euros par an, en moyenne, durant la dernière décennie. Mais sans une bonne adaptation, elle s'alourdira beaucoup plus. Le programme de recherche Peseta de l'UE l'évalue en effet entre 42 et 175 milliards d'euros en cas de réchauffement planétaire entre 1,5 et 3 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

D'où la nécessité d'agir, et d'autant plus rapidement que l'Europe se réchauffe plus vite que le reste du monde. L'UE ne découvre pas le problème. Elle avait même publié une première stratégie en matière d'adaptation dès 2013, revue en 2021, accompagnée d'enveloppes budgétaires particulières d'au moins 8 milliards d'euros pour la période 2014 à 2020 et de 26 milliards d'euros pour la période 2021 à 2027. L'Union a également intégré cette démarche dans d'autres politiques, comme sa nouvelle stratégie sur les forêts. En parallèle, elle s'est dotée de plusieurs outils tels que le centre de données sur les risques ou la plateforme de partage d'informations Climate-Adapt.

Une approche plus que brouillonne

Comme la loi européenne sur le climat le leur impose, les pays ont, eux aussi, évalué leurs risques et élaboré des plans d'action à leur échelle, en particulier pour ce qui concerne les questions liées à l'eau : inondations ou pénuries. Mais ces démarches se révèlent insuffisantes, estime la Cour des comptes européenne, dans un rapport publié mercredi 16 octobre (1) . L'institution a procédé à un audit du cadre d'adaptation au changement climatique de l'Union, du financement octroyé aux initiatives des États membres, de leurs stratégies et de l'impact réel de leurs actions. Si le cadre européen reste cohérent avec son objectif de rendre le continent résilient en 2050, les déclinaisons au sein des Vingt-Sept paraissent assez désordonnées, juge-t-elle. 

Risques et stratégie

► Les principaux risques du dérèglement climatique mentionnés par l'Agence européenne de l'environnement concernent la santé, l'environnement bâti (les villes, les routes et les ponts), l'énergie, les régions marines et côtières, l'agriculture, la sylviculture, la gestion de l'eau et la biodiversité.

► La stratégie de l'Union européenne en matière d'adaptation de 2021 vise notamment à renforcer les connaissances en matière d'adaptation, à améliorer les stratégies et les plans d'adaptation, à accélérer le déploiement de solutions, à renforcer le soutien à la résilience et à la préparation au changement climatique sur le plan international.

Certains pays utilisent ainsi des données scientifiques obsolètes pour établir leurs plans d'adaptation, comme l'Autriche qui se base sur des chiffres de 2014. D'autres, comme la France, n'évaluent pas globalement le coût de l'inaction. Quelquefois, les besoins financiers sont très sous-estimés. L'Estonie, par exemple, prévoyait de mobiliser 44 millions d'euros entre 2017 et 2030. Mais le coût de mise en œuvre de sa feuille de route s'élève finalement à 598 millions d'euros. Des conflits de priorités émergent également aux niveaux sectoriels ou régionaux. Des pays peuvent ainsi miser sur une réduction de la consommation d'eau quand leurs territoires prévoient, comme la Nouvelle-Aquitaine en France, une augmentation de l'irrigation.

Une perte d'information

Les rapporteurs soulignent par ailleurs au sein de l'Union une communication inefficace et insuffisante sur les actions d'adaptation. Les États membres remontent en effet des informations de nature plutôt descriptive, des évaluations qualitatives à caractère général, sans mention des progrès réellement accomplis, et ils n'utilisent pas d'indicateurs communs, notent-ils. Un système efficace permettrait pourtant, selon eux, d'évaluer les progrès accomplis pour d'aider les Vingt-Sept et l'UE à lutter de manière adéquate contre les risques climatiques en affinant leurs plans et leurs stratégies. À l'inverse, les outils, les stratégies et les plans de l'UE en matière d'adaptation sont mal connus à l'échelon local.

Il est à craindre que la politique et l'action de l'UE en matière d'adaptation évoluent moins vite que le changement climatique ” - Cour des comptes européenne

Quant à l'impact des projets subventionnés par l'Europe et étudiés par la Cour des comptes, il s'est révélé négligeable ou nul pour un gros tiers d'entre eux (13 sur 36), voire susceptible de conduire à de la maladaptation : promouvoir l'irrigation d'une zone plus étendue plutôt qu'opter pour des cultures plus économes en eau, par exemple (sauf pour la Flandre, la Bulgarie et la Grèce), construire des digues au lieu de relocaliser les résidents de zones côtières menacées par les inondations ou l'érosion, ou encore investir dans des canons à neige artificielle en montagne au lieu de se tourner vers une autre forme de  tourisme tout au long de l'année. Ne tenant pas compte de la nécessité de diversifier les espèces, les projets de reboisement ne permettent généralement pas non plus d'accroître la capacité d'adaptation des forêts, exposées aux mêmes risques qu'auparavant.

Des mesures correctives nécessaires

« En raison de ces faiblesses, il est à craindre que la politique et l'action de l'UE en matière d'adaptation évoluent moins vite que le changement climatique », alertent les rapporteurs. Ces derniers recommandent donc à la Commission de mettre en place des indicateurs communs afin de mesurer les progrès enregistrés et d'assurer le suivi des faiblesses relevées. Tout en améliorant le développement et la promotion de ses outils, ils lui suggèrent aussi de veiller à ce que tous les projets financés soient bien adaptés aux conditions climatiques actuelles et futures, le plus souvent possible basés sur des solutions de long terme.

Une loi nationale sur le climat pourrait par ailleurs devenir obligatoire. Elle rendrait les exigences stratégiques de la loi européenne sur le climat et celles de la stratégie d'adaptation de l'Union juridiquement contraignantes au sein de chaque État membre. Parmi les cas étudiés par les rapporteurs, seule la France est allée au-delà des exigences de l'UE en adoptant une telle loi en 2021. Mais son nouveau plan d'adaptation au changement climatique (Pnacc3) se fait toujours attendre.

1. Lire le rapport

Nadia Gorbatko / actu-environnement



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