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Hydrogène : le Gouvernement recentre et restreint sa stratégie
16/04/2025

© Negro Elkha
En attendant de publier sa prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie, le Gouvernement dévoile sa nouvelle stratégie en matière d'hydrogène. Au menu : des objectifs réduits, des priorités plus strictes et le lancement d'un premier appel d'offres.
La France n'abandonne pas le dihydrogène (H2) décarboné ou bas carbone, mais revoit ses ambitions à la baisse. Ce mercredi 16 avril, le Gouvernement a publié sa seconde stratégie nationale (1) en la matière, cinq ans après la première. Une révision rendue nécessaire du fait, dit-il, d'une maturation technico-économique « plus longue qu'initialement espérée par l'écosystème ».
Une stratégie « rationalisée »
« Les travaux de planification écologique ont confirmé que la demande pour l'hydrogène électrolytique à destination de l'industrie serait plus tardive qu'anticipé initialement, développe, dans le document, le ministère de l'Économie, chargé également de l'Industrie et de l'Énergie. […] Il est nécessaire d'accorder encore du temps à la filière pour mettre sur le marché des électrolyseurs fiabilisés avec des rendements performants et des coûts mieux maîtrisés. » Par conséquent, la France ne visera plus à installer des capacités de production d'au moins 6,5 gigawatts (GW) en 2030, comme elle l'escomptait en 2020, et pousser jusqu'à 10 GW à l'horizon 2035, tel qu'elle l'envisageait jusque dans les premières versions de cette nouvelle stratégie ou de la prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE 3). Elle entend désormais plutôt miser sur 4,5 GW en 2030 et 8 GW en 2035. S'appuyant sur une estimation du besoin en hydrogène décarboné pour la France en 2030 s'élevant à 520 000 tonnes par an, contre les 600 000 tonnes escomptées auparavant (et les 400 000 tonnes d'hydrogène d'origine fossile consommés à l'heure actuelle). Pour rappel, selon l'Agence de la transition écologique (Ademe), seulement 300 mégawatts (MW) sont en cours d'installation d'ici à 2026.
Estimations hautes et basses de la consommation d'hydrogène décarboné dans l'industrie française en 2030. © Gouvernement
L'heure est à la « rationalisation » des objectifs, mais également des priorités. Pour commencer, le Gouvernement souhaite se concentrer uniquement et ne réserver le soutien financier de l'État qu'à une « filière de production d'hydrogène bas carbone par électrolyse de l'eau utilisant l'électricité du réseau métropolitain », à même de respecter les seuils réglementaires d'énergie décarbonée au sens des dernières directives Énergies renouvelables (RED III) et Gaz. Pour cela, il compte surtout « assurer l'industrialisation des projets précédemment soutenus », plutôt que d'en lancer de nouveaux. Ensuite, l'hydrogène ainsi produit doit avoir seulement des applications dans l'industrie ou les mobilités lourdes et intensives, notamment pour participer à décarboner ou produire des carburants de synthèse utiles à l'aviation et au maritime. Le Gouvernement préfère donc laisser essentiellement la place aux batteries électriques, « plus efficaces énergétiquement et plus économiques », dans la mobilité routière.
Priorité à la décarbonation de l'industrie
S'agissant du premier secteur prioritaire, le Gouvernement veut parvenir à ce que les principales zones industrielles françaises (Dunkerque, Fos-sur-Mer, la Vallée de la chimie, etc.) « bénéficient toutes de premières capacités de production d'hydrogène [décarboné] à l'horizon 2030 », en particulier en couplage à terme avec le nouveau nucléaire. Il souhaite aussi développer des réseaux de canalisation « intra-hubs », pour mutualiser les moyens de transport et de stockage de ce gaz. « Le tracé envisagé pour ces premiers réseaux d'hydrogène et les sites de stockages nécessaires (capacités et emplacements) [en cavités salines] sera achevé à l'horizon 2026 » et la Commission de régulation de l'énergie (CRE) se verra confier comment administrer le marché à établir autour.
“ Il est nécessaire d'accorder encore du temps à la filière pour mettre sur le marché des électrolyseurs fiabilisés avec des rendements performants et des coûts mieux maîtrisés ”
Ministère de l'Économie
Si le Gouvernement veut principalement consommer l'hydrogène produit à même l'Hexagone, il n'abandonne pas l'idée d'exporter. Il « mobilisera une enveloppe de 100 millions d'euros de subventions pour le soutien à l'exportation des équipements [de production fabriqués dans l'Hexagone] », ouvrant des « postes d'experts techniques internationaux dans les trois ans » et d'un « pilote » chargé d'élaborer à « brève échéance » un « plan d'action opérationnel de la stratégie internationale ». Néanmoins, rien sur l'exportation de l'hydrogène produit en France, sous sa forme native ou après conversion en ammoniac liquide. Quant à l'importation, « l'intérêt économique pour la France des infrastructures d'import n'est pas démontré et les risques de non-utilisation associés étant importants, les soutiens financiers et garanties publiques resteront centrés sur le développement de capacités sur le territoire national », reportant la question à « au-delà de 2035 ».
Du reste, le Gouvernement rappelle que le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) mène actuellement une « réflexion » pour développer des moyens de flexibilité du réseau par le biais des électrolyseurs installés. Et s'agissant de l'hydrogène natif ou « blanc », le Gouvernement promet de publier « début 2025 » les résultats d'une première étude exploratoire, rappelant qu'un premier permis de recherche a été octroyé dans les Pyrénées-Atlantiques.
Neuf milliards d'euros
Au total, la France devrait pourtant débourser 9 milliards d'euros sur cinq ans (contre 7 milliards sur dix ans, en 2020) pour mettre en œuvre cette stratégie recentrée. Une première enveloppe, de 4 milliards, viendra financer au moins trois relèves annuelles du nouvel appel d'offres, dont la première a été lancée en décembre dernier. Ce dispositif doit garantir un revenu sur une durée de quinze ans à des capacités de production, visant à terme un volume de 1 GW par tranche de 200 MW. Cet appel d'offres ne s'adresse cependant pas aux capacités de production liées à l'industrie du raffinage. Celle-ci bénéficie déjà d'avantages fiscaux à travers la taxe incitative relative à l'utilisation des énergies renouvelables dans le transport (Tiruert), quoi qu'un acte délégué est attendu « dans les prochaines semaines » du côté de Bruxelles pour comptabiliser l'hydrogène renouvelable au même titre que l'hydrogène bas carbone.
Environ 600 millions d'euros d'aides de l'État viendront également compléter les subventions européennes de cinq projets d'usines d'électrolyseurs sélectionnés par l'Union européenne en tant que projets d'intérêt commun (Piiec). L'un d'eux, celui de l'entreprise McPhy près de Belfort, pourrait néanmoins ne pas voir le jour. La société ayant annoncé, le 10 avril, rechercher un repreneur (potentiellement son concurrent, John Cockerill) face à d'importantes difficultés financières. En outre, le Gouvernement confirme la relance de l'appel à projets « Briques technologiques de l'hydrogène » et annonce l'ouverture d'un autre pour le déploiement de véhicules utilitaires carburant avec ce gaz.
1. Télécharger la nouvelle stratégie nationale
Félix Gouty / actu-environnement