Le salon des Solutions
environnementales & énergétique du Sud-Ouest

Les Actualités

Filières REP : la création d'une instance de régulation indépendante est la solution optimale

30/07/2024

Filières REP : la création d'une instance de régulation indépendante est la solution optimale

Certaines filières REP, notamment celle des déchets du bâtiment, ont pris du retard, compromettant l'objectif de collecte des déchets sous REP.    © Ga_Na

Le suivi et le contrôle des filières REP par l'État sont « défaillants », estime la mission d'inspection ministérielle. Elle recommande la création d'un régulateur indépendant disposant d'un pouvoir de sanction.

« Le statu quo n'est pas envisageable » : la création d'une instance indépendante de régulation aux pouvoirs renforcés est la meilleure solution pour répondre enjeux environnementaux et économiques soulevés par les filières de responsabilité élargie du producteur (REP). Ce scénario « est celui dans lequel les missions essentielles à un pilotage efficace favorisant l'atteinte plus rapide des objectifs peuvent être pleinement exercées ».

Telles sont les principales conclusions du rapport (1) de la mission d'inspection confiée par l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd), l'Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l'économie (CGE). Le rapport de la mission lancée par Élisabeth Borne, en avril, à la veille de son départ de Matignon, a été publié jeudi 18 juillet.

Le pilotage des filières REP est défaillant

La mission s'exprime sans détour : le pilotage des filières REP par les pouvoirs publics « présente des défaillances qui ne peuvent être rectifiées à cadre institutionnel constant ». En effet, l'État ne dispose que de données « anciennes et lacunaires » et il ne sanctionne « quasiment jamais » les éco-organismes qui n'atteignent pas les objectifs fixés ou les entreprises qui fraudent. Quant à la gestion de la concurrence et des conflits, elle est « inexistante ».

Pour la mission, la solution « optimale » passe par la création d'une « instance indépendante de pilotage et de régulation des REP ». En effet, un « simple regroupement » des moyens de l'État « ne [permettrait pas] d'exercer pleinement et en toute indépendance au moins deux fonctions indispensables au pilotage de la performance : la gestion des différends entre acteurs et la mobilisation du pouvoir d'injonction et de sanctions », développe le rapport.

Des sanctions plus rapides et dissuasives

Il faut prendre acte du conflit d'intérêts entre la gouvernance des éco-organismes et les objectifs croissants de réemploi et de réparation ” - Rapport de la mission d'inspection

Concrètement, la mission envisage un binôme. L'administration centrale conserve la définition du cadre général des filières REP et la fixation des objectifs de moyen et long termes. Ces objectifs seraient des « lignes directrices » portant sur des échéances de quatre et dix ans et élaborées en lien avec la politique nationale en matière d'économie circulaire.

De son côté, la nouvelle autorité recueillerait les données, assurerait le suivi des performances et régulerait la REP (notamment s'agissant des questions de concurrence). Plus précisément, elle fixerait aux éco-organismes des objectifs quadriennaux contraignants (à partir des lignes directrices fixées par l'État), délivrerait des agréments sans limite temporelle et « disposerait d'un pouvoir d'injonction et de sanction mieux adapté, plus rapide et plus dissuasif » (mise en demeure, injonction, consignation, sanctions, etc.).

Confier les fonds de réparation à l'Ademe

La mission identifie plusieurs autres problèmes. D'abord, la gouvernance « [privilégie] le niveau des écocontributions plutôt que l'atteinte des objectifs ». Elle « entre (aussi) en contradiction directe avec la priorité donnée à la durabilité, au réemploi et à la réparation ». Ensuite, les soutiens aux collectivités ne tiennent pas suffisamment compte des disparités territoriales et n'incitent pas suffisamment à la performance. Enfin, côté opérateurs, il est difficile d'investir faute de visibilité.

Sur ces sujets, la mission formule trois recommandations. Il faut « prendre acte du conflit d'intérêts entre la gouvernance des éco-organismes et les objectifs croissants de réemploi et de réparation ». Et pour y remédier, il faut confier à l'Agence de la transition écologique (Ademe) la gestion des fonds réparation et réemploi, tout en maintenant le financement par les metteurs en marché. S'agissant des collectivités, il faut mesurer et publier leurs performances par flux de matière et différencier leurs soutiens « selon les coûts moyens de collecte et de traitement des déchets par catégorie de territoire ». Et en matière d'écoconception, il faut défendre à l'échelle européenne un renforcement des exigences réglementaires.

D'importantes marges de progrès

Ces recommandations découlent du constat dressé par la mission d'inspection. Aujourd'hui, la France compte 18 filières REP. Pour quel résultat ? La mission met en avant trois points positifs sur la période 2010 à 2022 : la progression de la collecte des déchets sous REP (+ 2,9 millions de tonnes - Mt) est supérieure à celle du gisement (+ 0,7 Mt) ; les quantités recyclées ont progressé (+ 2,2 Mt) et la part du gisement recyclée est passée de 39 à 50 %.

2/3 des filières REP n'atteignent pas les objectifs de collecte

Pour autant, les performances du dispositif « présentent (…) d'importantes marges de progrès ». En effet, 40 % du gisement sous REP échappent encore à la collecte, 50 % ne sont pas recyclés et les deux tiers des filières n'atteignent pas les objectifs de collecte. « Deux filières sont particulièrement loin de leur cible », illustre la mission : la filière chargée des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) et la REP textiles. Quant à la REP emballages, elle affiche « un retard important sur le recyclage des emballages en plastique et en aluminium ».

L'acceptabilité du dispositif est en jeu

Le sujet est de taille, puisqu'en 2025, 22 % du gisement total de déchets (68 Mt sur 310 Mt) seront sous REP, contre 5 % en 2022. Conséquence : pour respecter les objectifs des cahiers des charges, la collecte doit être multipliée par cinq, le recyclage par trois et le réemploi par neuf. L'objectif de collecte est « compromis » par le retard pris par la REP bâtiment (PMCB), il est « incertain » s'agissant du recyclage, et la capacité des éco-organismes à encourager le réemploi « n'est pas démontrée ».

Et c'est d'autant plus sérieux que le montant total des écocontributions devrait progresser de 6 milliards d'euros entre 2022 et 2029, pour dépasser les 8 milliards. « L'acceptabilité de cette trajectoire suppose une amélioration significative et rapide des performances », estime la mission, déplorant que « les conditions ne [soient] pas réunies pour garantir une telle évolution ». En attendant que le dispositif soit en ordre de marche pour atteindre les objectifs fixés, elle recommande de ne plus lancer de nouvelle filière (hors exigence européenne).

1. Télécharger le rapport

Philippe Collet / actu-environnement

Annonce Publicitaire