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La contestation d’une ligne à très haute tension à Fos-sur-Mer, symbole des futurs conflits autour de la décarbonation

29/09/2024

La contestation d’une ligne à très haute tension à Fos-sur-Mer, symbole des futurs conflits autour de la décarbonation

Les opposants au projet de ligne à très haute tension dans le Sud-Est dénoncent le manque d'écoute de la part de RTE. @NICOLAS TUCAT / AFP

A quel prix peut se faire la décarbonation du très polluant site industriel de Fos-sur-Mer, régulièrement pointé du doigt ? Pour le rendre bas-carbone, la construction d’une ligne à très haute tension traversant des zones protégées est en projet. Sur le terrain, agriculteurs, riverains et élus sont vent debout et défendent une alternative moins impactante sur l’environnement. 

“Décarboner oui, saccager non”. Alors que les projets de lignes à très haute tension poussent aux quatre coins du territoire pour accompagner la décarbonation et l’électrification des usages, les mobilisations contre ces projets sont de plus en plus nombreuses. Dans le Sud-Est, une ligne à très haute tension aérienne de 400 000 volts fait ainsi l’objet de vives critiques depuis le début de l’année. D’une longueur de 65 kilomètres, elle doit permettre d’ici 2028 de relier la commune de Jonquières-Saint-Vincent, dans le Gard, et Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, afin d’acheminer l’électricité produite dans la vallée du Rhône vers la zone industrialo-portuaire et ainsi participer à sa décarbonation. Le site, qui concentre des entreprises sidérurgiques et pétrochimiques, 3 raffineries et 2 terminaux méthaniers, émet aujourd’hui 20 millions de tonnes de CO2 par an. Il ambitionne de devenir le premier site industriel bas-carbone de France, ce qui va entraîner un doublement de la consommation d’électricité de la région.


Les besoins en électricité dans la région vont doubler, selon les estimations de RTE en raison de la décarbonation des usages. @RTE

Le problème c’est que cela nécessite de construire plus de 180 pylônes de 50 à 60 mètres de haut, soit l’équivalent d’un immeuble de 15 à 20 étages, sur des zones agricoles ou riches en biodiversité. La ligne traverserait en effet la réserve de biosphère de Camargue, 2 sites zones humides d’importance internationale, 21 sites Natura 2000, 2 parcs naturels régionaux (Camargue et Alpilles), 3 réserves nationales (Crau, Vigueirat et Camargue) et 4 réserves régionales (Ilon, Poitevine, Pourra, Tour du Valat). De quoi susciter une colère qui semble quasi-générale, des riverains aux élus, en passant par les agriculteurs, les professionnels du tourisme, les gestionnaires d’espaces naturels. 26 000 personnes ont signé une pétition contre le projet et une centaine d’acteurs une tribune demandant un moratoire.

“Balafre”

“La balafre que constituerait cette ligne aérienne THT au cœur du triangle d’or de la biodiversité serait un dangereux précédent de remise en cause de règles environnementales protectrices de ces milieux exceptionnels, au prétexte de lutte contre le changement climatique“, écrivent les signataires, qui se disent évidemment favorables à la décarbonation du site industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, mais pas à n’importe quel prix. “On a même des échos d’industriels à Fos, des start-up vertes, qui commencent à être ennuyées car ce projet ternit leur image et peut mettre en danger leur levée de fonds”, témoigne auprès de Novethic Isabelle Gex du collectif Stop THT 13/30.

Les opposants au projet de ligne à très haute tension (THT) dans le Sud-Est ont multiplié les actions pour faire entendre leur voix. Manifestations, contributions massives lors du débat public préliminaire, pétition, tribune, soirée débats… Mais pour l’instant, ils n’ont pas été entendus. Une nouvelle réunion s’est encore tenue vendredi 13 septembre entre Réseau de Transport d’Electricité (RTE), le gestionnaire du projet, et le collectif d’opposants, Stop THT13/30, qui regroupe 25 associations. L’objectif était de présenter des alternatives mais entre-temps, RTE avait déjà envoyé le tracé retenu, supposé de “moindre impact”, aux représentants légaux et aux élus. Un tracé qui selon les opposants ne prend pas en compte leurs objections.

“Ce tracé semble être prévu depuis le début. Ce matin encore, ils nous ont écoutés avec une fausse attention en pensant que nous n’étions pas au courant de leur passage en force“, réagit auprès de Novethic Séverine Théry Perez, membre du collectif Stop THT13/30. “Les alternatives existent et c’est désormais à l’Etat que nous allons demander des comptes car un projet dont l’acceptabilité sociale est nulle ne devrait jamais voir le jour”, ajoute-t-elle, amère, tout en évoquant le risque de la gronde sous-jacente qui pourrait devenir plus violente, notamment chez les agriculteurs.

Des alternatives possibles

Selon RTE, qui n’a pas répondu aux multiples sollicitations de Novethic, il n’y a aucune alternative viable à la voie aérienne. “Il n’existe pas aujourd’hui de solution industrielle pour transporter autant d’énergie sur une telle longueur”, assurait ainsi en mai dernier Christophe Berassen, chargé du projet pour RTE, cité par TF1. “Nous avons calé notre vision aux justes besoins”, assure-t-il également. RTE a calculé que la décarbonation du site industriel de Fos-sur-Mer, en prenant en compte les activités existantes mais aussi à venir comme la production d’hydrogène durable, va entraîner un doublement de la consommation électrique de la zone.

Mais les opposants estiment au contraire qu’il est possible de faire autrement avec un moindre impact sur l’environnement et le paysage. Ils défendent des solutions qui s’appuient sur le renforcement du réseau existant afin de réduire les besoins. Cela permettrait d’éviter la création d’une ligne aérienne pour privilégier une ligne qui passerait dans le Rhône. Une alternative plus consensuelle mais également plus coûteuse que le collectif va désormais aller présenter aux différentes parties prenantes.

“Le temps presse car une fois la déclaration d’utilité publique prononcée, les recours ne seront plus suspensifs et les travaux pourront commencer”, indique Séverine Théry Perez. Le dossier montre en tout cas la complexité de la transition énergétique vers la décarbonation. L’électrification massive des usages comme le passage à la voiture électrique, la décarbonation des sites industriels, la production d’hydrogène propre ou encore le branchement électrique des navires à quai, suppose en effet la construction de nouvelles lignes électriques. Et celles-ci, tout comme les projets d’éoliennes ou de centrales solaires, devront être pensées en concertation avec les territoires pour être acceptées et acceptables.

novethic

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