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Le nouveau plan Ecophyto attendu au tournant sur la qualité de l'eau
13/05/2024
Le gouvernement planche sur le plan Ecophyto. ©8531425/Pixabay
A l'heure où le gouvernement révise son plan de réduction des pesticides, élus et responsables de la qualité de l'eau potable s'inquiètent de cette source de pollution toujours plus coûteuse pour les habitants.
Début février, en réponse à la crise agricole, le gouvernement mettait en pause le plan de réduction des produits phytosanitaire Ecophyto, contesté par la FNSEA et la Coordination rurale.
Pour ces syndicats majoritaires, se priver des pesticides entraînerait une chute de la production et une destruction des filières, à rebours des impératifs de souveraineté alimentaire. Une ligne que ne partagent ni la Confédération paysanne, ni la filière bio.
Une nouvelle version du plan Ecophyto, qui sera présentée lundi, est déjà accusée par les ONG environnementales de manquer d'ambition.
Réduire de 50 % l'usage des pesticides de synthèse
Lancé en 2008, ce plan n'a jamais rempli son objectif de réduire de 50 % l'usage des pesticides de synthèse. Fin 2023, une commission d'enquête avertissait qu'en France, "sur au moins un tiers du territoire national, les pesticides et leurs métabolites (composants issus de leur dégradation, NDLR) constituent une menace majeure pour la ressource en eau potable".
"On est très inquiet d'un recul" du plan Ecophyto, confie à l'AFP Bertrand Hauchecorne, de l'Association des maires de France (AMF). "On conçoit les problèmes des agriculteurs", poursuit le maire de Mareau-aux-Prés, petite commune agricole du Loiret, mais "on a l'obligation de fournir une eau de qualité".
Les collectivités territoriales, responsables de la distribution d'eau potable, ont de plus en plus de difficultés à remplir cette mission, selon Thierry Burlot, président du comité de bassin de l'agence de l'eau Loire-Bretagne. "Le problème des pesticides n'est pas derrière nous, mais devant nous", insiste-t-il.
Entre 1980 et 2019, 4 300 captages d'eau potable ont été fermés pour cause de pollution, "principalement aux nitrates et aux pesticides", selon la commission d'enquête parlementaire.
"On ne comprendrait pas qu'au moment où on vit des sécheresses, on ferme des captages", relève Thierry Burlot. Des agences de l'eau vont dans le même sens. De la Normandie à la zone Rhône-Méditerranée-Corse, elles s'inquiètent de la fermeture d'autres captages, alors même que la ressource en eau est menacée par le changement climatique.
Pollueur-payeur
"On fragilise notre système de fourniture en eau potable", résume Franco Novelli, expert technique à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui regroupe plus de 500 collectivités territoriales.
Des traitements existent pour éliminer les résidus de pesticides dans l'eau, par des charbons actifs ou des membranes, pour "un surcoût du prix du m3 de l'ordre de 30 à 45 %", selon l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse. Un coût "rédhibitoire, notamment pour les zones rurales" qui "crée un problème d'équité d'accès à l'eau potable", selon cette agence. Ces solutions technologiques génèrent aussi des déchets qu'il faut traiter, complète Franco Novelli.
Il faut traiter le problème en amont, en limitant l'usage des pesticides dans les zones où ruissellent les eaux qui viendront alimenter les captages, insistent les différents responsables interrogés.
Dans le cadre d'une directive européenne de 2020, la France va lancer des plans de gestion et de sécurité sanitaire des eaux (PGSSE), dans une démarche "préventive", "graduée et concertée", fait savoir le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'Agriculture. Si cette démarche ne suffit pas, "on peut passer à des choses plus contraignantes".
"Ca ne sera pas mis en place parce qu'il y a un plan Ecophyto, ce sera mis en place parce que la réglementation européenne nous l'impose", souligne le cabinet.
Pour Jean-François Debat, maire socialiste de Bourg-en-Bresse (Ain), il faut aller plus loin. Pour préserver sa ressource en eau potable, l'agglomération envisage de préempter des terres agricoles pour mieux y encadrer les pratiques.
"Ca nous coûte quasiment un million d'euros par an pour traiter les résidus des pesticides agricoles", justifie-t-il. Cette somme, en forte hausse, est "payée par les consommateurs, donc essentiellement les ménages", rappelle-t-il.
Comme d'autres, il plaide pour l'application du principe "pollueur-payeur". D'autant que fin 2023, le gouvernement a renoncé à augmenter la redevance sur les utilisateurs de pesticides pour financer les agences de l'eau.